Comment être en forme à 99 ans
Président du conseil d’administration de la Pharmacie Principale depuis 1953, Jean de Toledo a fêté ses 99 ans le 8 octobre 2010. Il nous livre les secrets de sa forme !
Propos recueillis par Patricia Bernheim
Jean de Toledo commence l’entretien en évoquant la tradition genevoise du fauteuil du centenaire. « A mon avis, offrir un fauteuil, est l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Quand on avance en âge, on a de moins en moins envie de faire des efforts et un fauteuil est plutôt une invitation à la paresse ! » A la place, Jean de Toledo suggère d’offrir aux centenaires « des séances de préparation physique avec un coach comme en ont les sportifs de haut niveau ! ».
Le ton est donné. Jean de Toledo n’est pas un pantouflard et ça ne date pas d’hier. « J’ai pratiqué le sport très tôt et, à l’âge de 12 ans, j’ai découvert le ski grâce à Walter Meylan, mon extraordinaire professeur de 7ème et 6ème au collège Calvin. Tous les jeudis, il nous proposait une nouvelle activité : exercices en plein air, connaissance des champignons et des orchidées et découverte des plus beaux sites du canton ».
Au fil des ans, il pratique la compétition, notamment en tennis, ski, natation, boxe et, plus tard, golf. Amoureux de la vitesse et des sensations fortes, il se lance dans la course automobile, passe son brevet de pilote en 1931 et se perfectionne en acrobatie sur le célèbre avion Buker.
Du sport, encore et encore
La forme, ça s’entretient. Avancer en âge n’a pas vraiment mis un frein à ses activités sportives. « Récemment, je me suis remis au footing pour améliorer mon équilibre, qui se perd progressivement avec l’âge. Comme chaque année pendant les fêtes, j’ai fait du ski à Megève en compagnie de mes filles. Evidemment, à mon âge, je fais très attention aux chutes et aux collisions, mais je suis très content d’avoir retrouvé le niveau que j’avais l’an dernier avant mon accident. J’avais été percuté par un skieur qui téléphonait en dévalant les pistes, ce qui m’a valu une perte de connaissance, trois côtes cassées et trois mois de convalescence ».
Autre sport qu’il pratique toujours avec assiduité : le golf. « C’est parfait, parce que ça oblige à marcher. » A son avis, l’exemple à suivre, est celui de l’Ecosse où les golfs publics sont nombreux. « On y va en famille, bien souvent avec un seul sac dans lequel tout le monde se sert, pour faire des petits matches amicaux, c’est très stimulant, pas cher et il n’y a pas de limite d’âge. »
Quand il fait beau, Jean de Toledo fait volontiers quelques brasses dans sa piscine. « Cela développe la capacité pulmonaire. Les femmes devraient nager parce que c’est un sport qui allonge les muscles et les hommes parce que cela donne une belle carrure ». Enfin, il est aussi un fervent adepte du jardinage, « c’est bon pour le corps et pour l’esprit et, de plus, c’est un immense plaisir de voir grandir les arbres que j’ai plantés et s’épanouir les fleurs que j’ai semées ».
« Mes années d’erreur »
Alimentation et activité physique sont les piliers sur lesquels nous pouvons agir pour rester en bonne santé. Les ennemis à éviter sont le tabac, l’alcool et le stress. De toute évidence, Jean de Toledo a fait tout juste concernant l’activité physique. Qu’en est-il des autres points ? « L’alimentation, je n’y ai pas pris garde pendant longtemps. Ma mère avait des principes diététiques sains qu’elle tenait de ses origines italiennes : des fruits, des légumes, de l’huile d’olive… J’ai commencé à m’intéresser au sujet avec ma fille Françoise, aujourd’hui médecin et adepte de la Dresse Kousmine. Nous avons beaucoup discuté de l’importance du choix des aliments sur la santé : bons, ils nous permettent de la conserver, mauvais, ils ont des conséquences négatives. Nous sommes parvenus à la conclusion qu’il fallait manger un peu de tout mais modérément. Ma mère disait d’ailleurs qu’il fallait se lever de table sans être totalement rassasié ».
« Il y a eu des années d’erreur dans ma vie. Jusqu’ à 42 ans, j’ai beaucoup fumé, je consommais quatre paquets par jour. Cela altérait mon souffle et c’était un handicap lors de mes matches de tennis. Mes amis médecins m’avaient d’ailleurs recommandé d’arrêter le tabagisme. Un jour, je les ai écoutés et j’ai décidé de renoncer à la cigarette; depuis, je n’en ai plus jamais fumé une seule. C’est uniquement une histoire de volonté ! Par la suite, j’ai souvent rêvé que je fumais ; je me réveillais consterné d’avoir rechuté… et finalement heureux de constater que ce n’était qu’un cauchemar. En revanche, je n’ai jamais beaucoup bu d’alcool. Je n’ai jamais été saoul de ma vie même lors de soirées bien arrosées. J’ai cependant appris à apprécier les bons vins grâce à mon beau-frère, expert en la matière. Quant au stress, j’en ai vécu, bien sûr. Par exemple lorsque je désirais voir mes projets aboutir et que des obstacles, sans cesse nouveaux, se dressaient devant moi. J’aurais pu abandonner, mais à Genève, celui qui n’est pas tenace ne réalise rien ! Je gère mon stress en tondant mon gazon, ce qui me laisse l’esprit libre pour trouver les moyens de contourner les obstacles ».
Une mémoire intacte
Intellectuellement non plus, Jean de Toledo n’a rien lâché. Député radical au Grand Conseil pendant plus de 17 ans, il reste un observateur attentif de la vie publique et n’hésite pas à intervenir, par exemple sur la mobilité, la crise du logement à Genève ou sur les coûts de la santé. Il écoute de la musique classique, lit beaucoup, surtout des revues scientifiques, regarde la télévision, suit l’actualité, en particulier les débats d’idées, et se passionne pour la publicité : « elle est, malheureusement, rarement bonne, souvent déconnectée du goût du public et appréciée surtout par les concepteurs qui s’auto-congratulent ». Si l’ancien pharmacien a conservé un esprit vif, il est aussi doté d’une mémoire prodigieuse. Il cite sans hésiter les noms de ses camarades d’école, ceux de ses employés ou des produits créés par la Pharmacie Principale au cours de ses bientôt cent ans d’existence. « Là non plus, il n’y a pas de secret. La mémoire aussi, ça s’entraîne. »
En guise de conclusion, il tient encore à préciser ceci : « Je viens d’entrer dans ma centième année, je préside encore les conseils d’administration du Groupe PP Holding et du Parking du Pont du Mont-Blanc. Je me déplace à pieds et en voiture sans problème, je n’ai pas de maladies chroniques, ma tension est certes un peu plus élevée qu’elle ne le devrait, mais c’est normal à mon âge, et je ne prends aucun médicament permanent. Lors de mon dernier examen de la vue, obligatoire pour conserver mon permis de conduire, mon médecin m’a déclaré stupéfait que j’obtenais un score de 10 sur 10 avec mes lunettes ! Il m’a demandé quelle était ma recette. J’ai répondu en plaisantant: le complexe de vitamines B que je prends depuis cinquante ans ! Réaction de mon généraliste : «dès demain je prends le même complexe B ! » La forme, ça se cultive, physiquement et intellectuellement, notamment en restant actif et impliqué dans des responsabilités professionnelles et citoyennes.».