Glycémie et stress oxydatif
Pour fonctionner au mieux, notre organisme gère en permanence de nombreux équilibres. Cet ensemble de régulations conduit à ‘l’homéostasie’, autrement dit à un état en parfait équilibre. La glycémie est un modèle exemplaire.
Par le Dr Michel Brack, spécialiste du stress oxydatif
Dans notre organisme, de nombreuses fonctions et paramètres se doivent d’être en parfait équilibre. Parmi les plus exemplaires : notre température corporelle remarquablement stable à 37 degrés, notre pression artérielle autour de 120/60 millimètres de mercure, mais aussi notre fréquence cardiaque, du moins au repos, notre PH ou degré d’acidité et bien d’autres encore…. Mais ces nombreuses constantes ne cessent de varier, en fonction notamment des conditions extérieures qui souvent les mettent à mal.
Ainsi, garder une température constante à 37 degrés lorsque l’on passe d’un intérieur douillet à 20 degrés à une température extérieure parfois négative, n’est pas une mince affaire… De la même façon, une émotion vive ou la nécessité d’augmenter subitement l’allure pour attraper le bus augmentent brutalement notre fréquence cardiaque et notre pression artérielle. Toutes ces adaptations inévitables obligent notre organisme à des efforts permanents et subtils pour revenir à l’équilibre.
Une meilleure connaissance des mécanismes régulateurs amène à concevoir une nouvelle définition de la santé. Etre en bonne santé ne signifie pas simplement être dans de bons équilibres, mais plutôt conserver intacte cette faculté de gérer en permanence des états éloignés de l’équilibre. Autrement dit, avoir une tension à 120/60 ou une fréquence cardiaque à 65 pulsations minutes 24 heures sur 24 est moins synonyme d’une bonne santé que la faculté à faire varier ces chiffres de façon importante en fonction des événements extérieurs et à les ramener rapidement à l’équilibre.
La glycémie, un modèle exemplaire
Notre taux de sucre dans le sang est remarquablement stable, autour de 1 gramme par litre, et notre santé en dépend. Il est pourtant soumis à des variations très importantes : à la hausse à la suite des repas, à la baisse lors des efforts ou des émotions. Le retour à l’équilibre dans des délais raisonnables, signe d’une bonne santé, contraint notre organisme à mettre en jeu des systèmes de régulation très complexes.
En matière de glycémie, les périodes les plus critiques sont celles du ‘post prandial’, autrement dit les longues périodes qui suivent la prise de repas. La gestion de la montée plus ou moins brutale et plus ou moins prolongée du taux de sucre dans le sang après chaque prise alimentaire est capitale puisque le but est de stocker ce sucre afin de pouvoir l’utiliser plus tard en fonction des besoins énergétiques.
Or, il apparaît clairement qu’en dehors de la maladie diabétique, qui n’est autre qu’une dérégulation de ce stockage du sucre, ces périodes ‘post prandiales’ font le lit de nombreuses maladies.
La glycémie, un paramètre finement réglé
Deux systèmes hormonaux principaux régulent la glycémie. D’une part, l’insuline qui gère l’afflux massif de glucose dans le sang après chaque repas en le stockant dans le foie et les muscles et fait donc baisser le taux de glycémie. De l’autre, le glucagon qui fait l’inverse en ‘déstockant’ à la demande le sucre rangé dans le foie sous forme de glycogène et fait monter le taux de glycémie.
Deux autres hormones interviennent également : l’adrénaline et le cortisol. L’adrénaline fait monter très rapidement la glycémie en cas de stress. Le cortisol fait de même, mais lors de jeûnes prolongés et en métabolisant des substrats non glucidiques. Or ces deux voies hyperglycémiantes sont liées à des états ‘pré-pathologiques’.
Hyperglycémie et stress oxydatif
La maladie diabétique est un modèle de stress oxydatif. Dans cette maladie, contrairement par exemple à la maladie cardiovasculaire et à l’hypercholestérolémie, le stress oxydatif est superposable à l’hyperglycémie. Ainsi, plus la glycémie est élevée et prolongée, plus le stress oxydatif est intense.
Ce fait a amené de nombreux chercheurs à penser qu’un certain nombre de pathologies naissent dans la période post prandiale, comme les maladies cardiovasculaires, les cancers et même la maladie d’Alzheimer.
De nombreux facteurs concourent à un stress oxydatif majeur dans la maladie diabétique. Parmi eux, la capacité du glucose à s’auto-oxyder, les produits de la glycation et la formation de produits de glycation avancée. S’ajoutent à ces phénomènes d’autres mécanismes plus complexes qui mettent en jeu des dérégulations génétiques.
Pour être simple, les fortes concentrations en sucre conduisent à des greffes ‘sucres protéines’ dont l’exemple le plus connu est l’hémoglobine glyquée, greffe d’un glucose avec une protéine : l’albumine. Ces produits complexes se fixent sur des récepteurs cellulaires qui déclenchent une activation des cellules qui, entre autres, aboutit à une production excessive de radicaux libres.
De plus, les produits dits ‘produits avancés de la glycation’, contrairement à de nombreuses protéines anormales, ne sont pas détruites par le protéasome, dont la fonction est précisément de les dégrader, et s’accumulent dans les cellules et les tissus. Ces phénomènes sont particulièrement péjoratifs dans les complications notamment vasculaires du diabète.
Antioxydants et diabète
A juste titre, de nombreux auteurs se sont intéressés à l’intérêt éventuel des antioxydants dans la maladie diabétique. Ainsi, de nombreux principes actifs ont été testés comme la vitamine E, la vitamine C, l’acide alpha lipoïque, le cuivre, le zinc, les flavonoïdes ou le Co enzyme Q10.
Mais la recherche actuelle se concentre sur l’étude de médicaments qui seraient à la fois régulateurs de la glycémie, s’opposeraient à la formation des produits de la glycation et seraient antioxydants. La metformine est sans aucun doute un candidat sérieux.
Pour ce qui est du stress oxydatif proprement dit, si les études d’intervention avec tel ou tel antioxydant vacillent entre résultats prometteurs et décevants, c’est tout simplement parce qu’elles ne se sont pas focalisées sur l’objectif essentiel : traiter un stress oxydatif avéré par un bilan biologique qui, seul, peut permettre une prise en charge personnalisée et efficace.
Références
Glucose and reactive oxygen species, Dominique Bonnefont-Rousselot, Curr Opin Clin Nutr Metab Care, 2002
The Role of Antioxidant Micronutrients in the Prevention of Diabetic complications, Dominique Bonnefont-Rousselot, Treat Endocrinol 2004