Sommeil - Dormir nous est indispensable
Toutes les études le disent en boucle : nous passons un tiers de notre vie à dormir. Et ce n’est pas du temps perdu, loin de là. Le sommeil nous permet en effet de recharger nos batteries et, surtout, de consolider notre mémoire. Tour d’horizon.
Adaptation Joanna Szymanski / Planetesante.ch
L’être humain l’a vite compris : même si nous n’en connaissons pas encore véritablement les raisons, il nous est indispensable de dormir. C’est bien pour cela que, depuis l’Antiquité, on a utilisé la privation de sommeil comme moyen de torture. En effet, les conséquences du manque de sommeil sont nombreuses. Une étude a même montré que des rats privés de ce précieux temps de repos mouraient au bout de deux ou trois semaines.
Ce phénomène biologique nous permet, entre autres bienfaits, de reposer non seulement notre corps mais aussi notre cerveau. Et il est commun à tous les animaux ! On sait même que les premiers organismes unicellulaires qui ont peuplé notre Terre profitaient aussi de certaines périodes de repos.
Le sommeil, comment ça marche ?
Nous avons tous une horloge interne : la fameuse « horloge biologique ». Située dans l’hypothalamus au centre de notre cerveau, elle est responsable de régler nos phases de veille et de repos. Elle se synchronise avec le jour et la nuit, en fonction de la lumière, et dure au total un peu plus de 24 heures. Vers la fin de la journée, notre horloge fait baisser notre température corporelle et provoque, lorsque la lumière diminue, la sécrétion de mélatonine, également appelée « hormone du sommeil ». Grâce à ces signaux nous savons qu’il est alors temps d’aller nous coucher.
Une fois endormis, nous allons tous passer par divers stades (voir infographie) : la phase d’endormissement, le sommeil lent léger, le sommeil lent profond, puis le sommeil paradoxal. On compte entre quatre et six cycles par nuit, selon les personnes. Chacun dure entre 1h30 et 2 heures et est entrecoupé de phases courtes de latence.
L’endormissement Quand nous nous couchons et fermons les yeux, divers changements se produisent dans notre corps. Notre respiration devient plus lente, nos muscles se détendent et le cerveau fonctionne au ralenti. La durée de cette phase varie selon les personnes, les Romands mettent par exemple, en moyenne, quinze minutes à s’endormir.
Avant de passer à la phase suivante, nous nous trouvons dans un stade de sommeil lent très léger, au point qu’on peut encore percevoir les bruits de l’environnement. Bien que relâchés, nos muscles subissent parfois des petites contractions, responsables de cette désagréable impression de chute que nous éprouvons parfois au moment de nous endormir.
Le sommeil lent léger A ce stade-là, nous ne sommes plus conscients de ce qui se passe autour de nous, mais notre sommeil est encore léger et il est facile de se réveiller. Cette phase occupe environ la moitié de la durée du sommeil. Le sommeil lent profond Cette fois-ci, ça y est, nous sommes profondément endormis. Notre cerveau est au repos, notre respiration est très régulière, notre cœur bat mollement et notre tonus musculaire diminue. Si l’on observe grâce à une électroencéphalographie (EEG) ce qui se passe dans notre cerveau à ce moment-là, nous voyons des ondes électriques très lentes et amples (voir encadré sur l’EEG).
On profite à ce stade d’un sommeil très réparateur, ce qui explique que plus cette phase sera longue, plus on se sentira reposé au réveil. Mais c’est aussi pour cela qu’il est difficile de se réveiller durant le sommeil lent profond, et quand on y parvient on a les jambes qui flanchent et la sensation d’être « groggy ».
Le sommeil paradoxal (ou sommeil REM = Rapid Eye Movement) Notre corps est comme paralysé, mais nos yeux n’arrêtent pas de bouger et notre cerveau fonctionne à plein régime. Si on regarde maintenant notre EEG, nous voyons alors des ondes cérébrales presque identiques à celles enregistrées pendant l’éveil (voir encadré sur l’EEG). Cette phase est donc bien paradoxale ! Bien que nous rêvions pendant toutes les phases du sommeil, c’est pendant le sommeil paradoxal que nos rêves sont les plus abondants. Notre respiration devient plus irrégulière et le cœur bat plus ou moins lentement, selon le contenu de nos rêves.
De multiples avantages
Nous l’avons déjà mentionné : pour vivre, il est indispensable de dormir. Mais reposer son corps et faire le plein d’énergie ne sont pas les seuls bienfaits que nous en tirons.
Les enfants et adolescents, par exemple, ont besoin de l’hormone de croissance pour bien grandir. Or, cette substance est principalement secrétée durant les périodes de sommeil profond. Les adultes en ont d’ailleurs également besoin pour développer les muscles, les os et les cartilages, mais aussi pour mieux résister à l’effort et au froid.
D’autre part, lors de certaines maladies (infections ou inflammations), nous ressentons souvent la nécessité de dormir. Ce n’est pas un hasard, car le sommeil renforce les défenses naturelles et assure le bon fonctionnement de notre système immunitaire.
Pendant le sommeil, le cerveau en profite aussi pour consolider nos souvenirs et faire le tri des informations accumulées durant la journée. La mémoire s’en voit ainsi renforcée, tout comme l’apprentissage : la nuit, le cerveau « répète » en quelque sorte ce qui a été appris pendant qu’on était réveillé.
Les méfaits d’un manque de sommeil
Si les bienfaits d’une bonne nuit de repos sont nombreux, les méfaits du manque de sommeil le sont aussi. Après une courte nuit ou, pire, une nuit blanche, nous nous sentons fatigués et somnolents. Mais nos réflexes sont aussi perturbés, ainsi que notre capacité à évaluer correctement les risques que nous prenons. La fatigue au volant est ainsi à l’origine de 10 à 20% des accidents de la route (données du Bureau suisse de prévention des accidents). De plus, notre mémoire peut nous faire défaut, et nous aurons également de la peine à nous concentrer. Tout cela sans compter sur une autre conséquence désagréable : un caractère irritable et des troubles de l’humeur.
Plus surprenant encore, le manque de sommeil favoriserait l’obésité. Pendant notre sommeil, une hormone qui refrène l’appétit (la leptine) est sécrétée, mais nous en manquons quand nos heures de veille s’allongent. Celles-ci favorisent d’ailleurs la production de ghréline, hormone qui stimule l’appétit, et d’orexine, une autre hormone qui, elle, nous pousse à manger non pas par besoin mais pour le plaisir.
Le manque de sommeil nous empêche donc de nous concentrer, affecte notre caractère et favorise la prise de poids. Mais il augmente aussi les risques d’hypertension, de maladies cardiovasculaires ou de diabète, et donc la mortalité.
Quand notre sommeil est troublé
De nombreux troubles du sommeil peuvent perturber nos nuits et donc aussi nos journées ! Difficultés à s’endormir, réveils nocturnes, fatigue et somnolence pendant la journée… Quand ces problèmes s’installent, il faut en parler avec votre médecin. Une consultation auprès d’un spécialiste du sommeil est même parfois nécessaire. Ces professionnels disposent d’une panoplie de techniques permettant d’observer et d’enregistrer vos réactions pendant que vous dormez, afin de diagnostiquer (ou non) un trouble particulier. Nous en détaillons deux parmi les plus fréquents : l’insomnie et les apnées du sommeil.
L’insomnie Vous n’arrivez pas à vous endormir ? Vous vous réveillez plusieurs fois dans la nuit et peinez à retrouver le sommeil à chaque fois ? Vos yeux s’ouvrent à 4 ou 5 heures du matin ? Vous souffrez peut-être d’insomnie.
Quand l’insomnie est causée par des douleurs, des problèmes respiratoires ou une dépression qui empêchent de dormir, elle est qualifiée de « secondaire ». Le terme renvoie au fait qu’elle est, dans ces cas, la conséquence d’une autre maladie ou de la prise de médicaments. Quand ce n’est pas le cas, elle est appelée « primaire ». Il s’agit alors généralement d’un trouble psychophysiologique qui s’auto-alimente : plus on dort mal, plus on a peur de dormir. En dehors de ces deux types, on peut encore qualifier ce trouble de « mal idiopathique », ce qui, en somme, reviendrait à dire qu’on n’en connaît pas les causes.
Le stress, les soucis de la vie professionnelle ou personnelle, des événements malheureux, tous ces problèmes peuvent se traduire par des difficultés à trouver le sommeil pendant des jours. Mais parfois, l’insomnie s’installe sur la durée et devient chronique. C’est alors que le mal s’auto-entretient. On redoute le moment où il faudra aller se coucher, on pense à tous ses problèmes pendant la nuit, et on s’inquiète en même temps à l’idée que l’on sera fatigué le lendemain. Du coup, impossible de trouver le sommeil, ce qui accentue l’anxiété qui, elle-même, alimente l’insomnie. Un véritable cercle vicieux.
Pour lutter contre l’insomnie, diverses possibilités de traitement existent. Le médecin peut par exemple prescrire des somnifères. Ces médicaments sont utiles pour retrouver le sommeil mais ils ne doivent pas être utilisés à long terme. En effet, ils peuvent causer une dépendance et leurs effets secondaires sont nombreux. Pourtant, environ un cinquième des Suisses prend occasionnellement des somnifères, et 5 à 7 % de la population en consomme une fois par semaine, ce qui est plutôt au-dessus de la moyenne des pays industrialisés.
Heureusement, le traitement médicamenteux n’est pas le seul disponible. La thérapie cognitivo-comportementale est, par exemple, l’approche la plus efficace pour lutter contre l’insomnie. Lors de cette thérapie, on expliquera au patient ce qu’est le sommeil, son déroulement, à quoi il sert. Ensuite, l’insomniaque doit veiller à modifier son hygiène du sommeil et abandonner ses mauvaises habitudes (lire encadré « Dix conseils pour des nuits paisibles »). Enfin, la thérapie permet d’apprendre à surmonter les inquiétudes et le stress qui entretiennent l’insomnie.
Des méthodes alternatives permettant de lâcher prise peuvent également s’avérer très utiles : yoga, relaxation, auto-hypnose, sophrologie, etc. Cependant, ces méthodes ne suffisent pas toujours à surmonter une insomnie devenue chronique.
Les apnées du sommeil Les apnées du sommeil sont un trouble pervers : on a l’impression de bien dormir, mais en fait, il n’en est rien. De nombreux réveils se produisent pendant la nuit. A maintes reprises, on cesse complètement de respirer pendant de longues secondes, ce qui nous oblige à nous réveiller pour reprendre de l’air. Seulement, on ne s’en souvient pas ! Fatiguées et somnolentes pendant la journée, les personnes souffrant de ce trouble ne sont généralement pas conscientes du problème. Deux facteurs révélateurs devraient les pousser à plus d’investigations : la somnolence diurne et les ronflements pendant la nuit.
Les apnées du sommeil sont principalement causées par un problème de circulation de l’air dans le pharynx. Quand cet organe s’affaisse ou se rétrécit, l’air a du mal à circuler. Elles se manifestent par des arrêts brusques de la respiration qui durent au moins 10 secondes, mais peuvent aller jusqu’à 30 secondes, voire beaucoup plus. Ces pauses non désirées se produisent à de multiples reprises pendant la nuit : on en compte de quinze à trente dans l’apnée modérée et même bien plus en cas d’apnée sévère.
En Suisse, plus de 4 hommes sur 100 et 2 femmes sur 100 sont concernés par les apnées du sommeil. Ce trouble affecte la qualité de vie, provoque des accidents et favorise le développement de maladies cardiovasculaires ou de diabète.
Quand l’apnée a des conséquences lourdes sur la vie de la personne atteinte (somnolence diurne prononcée), elle doit être traitée. Le patient peut alors, par exemple, porter pendant la nuit des appareils qui permettent de rendre la respiration plus régulière.
Parmi ces appareils, on trouve des masques qui insufflent de l’air dans la gorge. Grâce à un compresseur, l’appareil ouvre le pharynx et les voies respiratoires. Des orthèses d’avancée mandibulaire (OAM), sorte de double gouttière qui déplace en avant la mâchoire inférieure, la langue et d’autres structures de la bouche, permettent aussi de libérer le pharynx. L’utilisation de gilets rembourrés à l’arrière (pour empêcher la personne de dormir sur le dos, position qui favorise les apnées) peut s’avérer également très utile. Le médecin saura conseiller le patient sur le choix des traitements.
L’essentiel pour bien dormir
Comme vous l’aurez compris, le sommeil est un phénomène biologique essentiel. Pour ceux qui ont du mal à s’endormir ou à retrouver le sommeil après un éveil nocturne, quelques règles simples « d’hygiène du sommeil » (voir encadré p.28) pourraient suffire. Il faut d’abord veiller à se coucher et à se lever tous les jours à la même heure, car cet horaire constant a un effet synchronisateur sur le cycle veille-sommeil. Ou encore réserver le lit au sommeil et aux activités sexuelles, mais il ne faut pas se coucher pour lire, regarder la TV ou manger. Dernière recommandation en date : il faudrait éviter d’utiliser les smartphones et autres tablettes. La lumière artificielle qui frappe nos rétines aurait des effets physiologiques nuisant à la qualité du sommeil. Selon une étude américaine récente, cette lumière nocturne affecte nos rythmes circadiens et serait même bien plus puissante que n’importe quelle drogue.
A éviter aussi le soir les repas trop lourds, la caféine – y compris celle contenue dans le « Coca » – et la théine, ou encore les activités sportives et intellectuelles intenses. Et, bien évidemment, il faut choisir un lit confortable, une chambre peu bruyante et une température ni trop chaude ni trop froide. Inutile enfin de « ruminer ». Tenter de résoudre ses problèmes avant de s’endormir ne peut que provoquer une anxiété et une tension nerveuse qui ne favorisent pas l’endormissement. Il faut apprendre à se relaxer avant de se coucher. Si vous n’arrivez pas à vous endormir, quittez le lit et revenez-y quand vous vous sentirez à nouveau fatigué.
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