Obésité, la situation en Suisse
L’augmentation du nombre de jeunes et d’adultes souffrant d’excès pondéral représente un problème de santé publique majeur. C’est le principal problème de nutrition auquel la Suisse, à l’instar des autres pays industrialisés, doit faire face.
L’excès pondéral progresse rapidement dans de nombreuses parties du monde, à tel point qu’on n’hésite plus à parler de pandémie. La Suisse n’est pas en reste.
En 2002, selon l’enquête suisse sur la santé*, 38,7% de la population suisse âgée d’au moins 18 ans présentait un excès de poids. Plus précisément, 30,7% de la population adulte avait un surpoids et 8,0% souffrait d’obésité. Sur cette base, on peut estimer à environ 2,2 millions le nombre d’adultes dont l’indice de masse corporelle indiquait un risque pour la santé.
Une comparaison des résultats de l’enquête suisse sur la santé réalisée en 2002 avec ceux enregistrés en 1997 et 1992 (25,8% de personnes en surpoids et 5,6% d’obèses en 1992) indique une tendance à la hausse du surpoids et de l’obésité.
En 2002, 39,2% des hommes accusaient un surpoids et 8,3% étaient obèses. Les femmes présentaient des prévalences moins élevées : 22,7% pour le surpoids et 7,8% pour l’obésité. Ainsi, hommes et femmes sont presque égaux face à l’obésité, mais pas face au surpoids. Cela se vérifie aussi lorsque l’âge est pris en considération. Les hommes sont proportionnellement bien plus nombreux que les femmes à présenter un surpoids, dans tous les groupes d’âge. En revanche, les écarts entre les sexes sont minimes pour l’obésité, sauf parmi les 18-24 ans, où sa fréquence est deux fois plus élevée chez les femmes.
L’étude met aussi en évidence une corrélation importante entre l’âge et l’indice de masse corporelle. Chez les hommes, les prévalences de surpoids s’accroissent rapidement d’un groupe d’âge à l’autre jusque vers 45-54 ans, puis elles tendent à se stabiliser. Les prévalences d’obésité évoluent de façon comparable jusque vers 75 ans pour, ensuite, décliner. Chez les femmes, la fréquence de surpoids suit une courbe similaire à celle de l’obésité: elle augmente régulièrement jusque vers 65–74 ans, puis elle se met à décliner.
Les plus menacés par un excès de poids sont donc les hommes dès 45 ans et les femmes entre 65 et 74 ans. Toutefois, on constate un bond considérable des prévalences – environ du simple au double – entre le groupe des 18-24 ans et celui des 25-34 ans. Dans cette dernière tranche d’âge, l’excès pondéral touche déjà plus d’un homme sur trois et près d’une femme sur cinq.
Les risques encourus
L’excès pondéral constitue un problème de santé publique majeur. Il provoque ou aggrave de nombreuses maladies associées et entraîne une surmortalité précoce élevée. Ainsi, l’excès pondéral est associé à un risque accru d’hypertension artérielle, qui est elle-même un facteur de risque des maladies cardiovasculaires, telles que les maladies coronariennes et les accidents vasculaires. Il provoque également une résistance à l’insuline et une hyperinsulinémie, qui participent au développement du diabète de type 2. De nombreuses études suggèrent aussi un lien avec certaines pathologies du foie et de la vésicule biliaire et certains types de cancer. L’obésité peut par ailleurs entraîner des complications mécaniques, telles que l’apnée du sommeil ou une usure prématurée de l’appareil ostéoarticulaire. Des recherches ont établi que les personnes obèses bénéficient d’une qualité de vie moindre comparées aux personnes moins corpulentes.
Les coûts engendrés par les maladies associées à l’excès pondéral sont très importants. Celui-ci occasionne en effet des coûts médicaux (utilisation de ressources pour son traitement ainsi que celui des maladies qui lui sont liées) et macroéconomiques (perte de productivité à la suite des absences professionnelles, invalidité et mort prématurée). Selon une étude de HealthEcon, commanditée par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), les dépenses de santé liées au surpoids se sont élevées à plus de 5,7 milliards de francs en 2006. Ce chiffre a doublé par rapport à 2002.
Les quatre causes principales
Les facteurs susceptibles de causer une prise de poids sont nombreux et le plus souvent combinés en proportion variable selon les individus. Mais seule une partie d’entre eux ont été identifiés et compris. Les principales causes reconnues à ce jour peuvent être classées en quatre groupes principaux:
- les facteurs biologiques: tels que le sexe, l’âge (le vieillissement), les facteurs neuroendocriniens et les facteurs génétiques;
- les facteurs comportementaux résultant de déterminants sociopsychologiques complexes, tels que les habitudes, les émotions, les attitudes, les croyances et cognitions développées au cours de la vie;
- les facteurs environnementaux, en relation avec le contexte tant physique, économique que socioculturel dans lequel évoluent les individus;
- les facteurs iatrogènes: une prise de poids peut être provoquée par l’ingestion de certains médicaments.
Les groupes à risques
Au cours de cette étude, plusieurs groupes à risques ont été identifiés. Les personnes de nationalité étrangère sont plus touchées que les Suisses et les Suissesses. Les personnes résidant à la campagne sont plus concernées que les citadins, ce qui souligne l’importance de l’ancrage socioculturel du phénomène de l’excès pondéral. En revanche, les populations de Suisse romande, de Suisse alémanique et de Suisse italienne sont concernées dans des proportions similaires par le problème.
A l’instar des autres études traitant de cette problématique, l’enquête suisse sur la santé a mis en évidence des inégalités importantes en lien avec le statut socioéconomique, surtout chez les femmes: l’excès pondéral se rencontre davantage chez les personnes ayant un bas niveau éducationnel, chez celles disposant d’un faible revenu et appartenant à la catégorie professionnelle des ouvrières et des manœuvres, que chez les personnes ayant achevé des études supérieures, chez celles jouissant d’un revenu élevé et chez celles occupant une poste de cadre.
L’enquête suisse sur la santé conclut que l’excès pondéral est un problème d’une indéniable complexité. La lutte contre celui-ci suppose la participation de nombreux acteurs: monde politique, autorités sanitaires, monde médical, milieux de l’éducation, parents, industrie agroalimentaire et médias. Son succès dépend de la mobilisation et de la collaboration de tous les acteurs concernés.
*Excès pondéral chez l’adulte en Suisse: aspects d’une problématique multifactorielle. Résultats de l’enquête suisse sur la santé 2002, Institut suisse de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies (ISPA) Lausanne. Texte complet sur www.sge-ssn.ch, site de la Société suisse de nutrition.