Des pistes pour prévenir l'obésité infantile
En vingt ans, le nombre d’enfants obèses a pratiquement triplé. En Suisse, ils sont aujourd’hui 4% à souffrir des conséquences d’un régime alimentaire déséquilibré et d’un manque d’activité physique. Or, cette maladie n’est pas une fatalité: quelques mesures simples permettent de l’enrayer.
Par Patricia Bernheim
Ces chiffres sur l’obésité ne sont pas à prendre à la légère, puisque «c’est chez les enfants que la progression de l’obésité est la plus importante», souligne le professeur Alain Golay, chef du Service d’enseignement thérapeutique pour maladies chroniques des HUG.
Les causes de l’obésité chez les enfants? Comme chez les adultes, elles sont nombreuses. Il y a certes des facteurs endocriniens et génétiques, qui représentent 1% des cas. Mais, même lorsque la prédisposition à développer une obésité est un héritage génétique, la maladie n’est pas une fatalité pour autant. Pour que la maladie se déclare, encore faut-il un contexte favorable, c’est-à-dire de mauvaises habitudes alimentaires et un manque de dépense physique.
D’autres facteurs, d’ordre psychologique ou social, entrent aussi en jeu. L’ennui, des problèmes scolaires ou familiaux peuvent amener un enfant à rechercher dans la nourriture une compensation à son mal-être. «Les enfants et les adolescents passent en moyenne cinq heures par jour devant la TV ou un écran vidéo. Ces moments sont souvent associés au grignotage de produits industriels sucrés ou salés, le tout noyé dans des sodas gorgés de sucre. Autant dire que tous les ingrédients nécessaires pour que l’obésité s’installe sont réunis», relève le professeur Golay.
Difficile de leur jeter la pierre, pourtant, lorsque l’on sait que les programmes pour enfants sont entrelardés de publicité ventant biscuits, crèmes glacées, pizzas ou hamburgers. Le phénomène, qui est le même dans le monde entier, a d’ailleurs amené la Food Standard Agency (l’autorité britannique en matière de sécurité sanitaire des aliments) à prôner le bannissement des pubs de l’agroalimentaire pendant les programmes destinés aux enfants.
De son côté, la France a édicté certaines règles qui visent à éviter, dans les pubs, l’association «alimentation + sédentarité». Depuis, on voit les enfants manger leur hamburger d’une main et tenir une trottinette de l’autre…
Des risques importants
Si les médecins tirent la sonnette d’alarme, c’est parce que les enfants obèses présentent des risques multiples. Lorsque l’obésité apparaît avant la puberté, elle risque de persister dans 20% à 50% des cas à l’âge adulte. La proportion s’élève à 50%, voire à 70%, si elle démarre après la puberté. Avec, en corollaire, le risque de développer à terme les mêmes maladies chroniques que les adultes obèses: problèmes cardiovasculaires, excès de cholestérol, hypertension et diabète.
Les médecins notent d’ailleurs une augmentation du diabète de type 2 chez les adolescents, alors que, par le passé, la maladie apparaissait vers la quarantaine. Enfin, toujours sur le plan physique, la sédentarité entraîne souvent des douleurs articulaires aux genoux et aux hanches.
Mais leurs souffrances ne s’arrêtent pas là. Une étude sur les aspects psychologiques de l’obésité infantile, parue dans la revue «Paediatrica» en 2005, souligne que les enfants obèses ont souvent une mauvaise estime de soi, due aux quolibets, au rejet et à l’image négative qu’on leur renvoie d’eux-mêmes. A terme, cela peut entraîner des dépressions ou des troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie).
Enfin, la discrimination dont ils sont victimes a également des conséquences sur le plan de la formation et de leur vie professionnelle: une personne en surpoids est souvent associée à la paresse et au laisser-aller, rarement à un malade chronique.
La prévention
Comme l’obésité n’a rien d’inéluctable et qu’elle ne survient pas du jour au lendemain, tout justifie que les enfants soient pris en charge le plus tôt possible, avec leurs parents. «Le surpoids et l’obésité sont le résultat d’un certain comportement, et la seule manière d’enrayer la spirale, c’est de changer de comportement», explique le professeur Alain Golay.
«Les habitudes alimentaires ou le fait d’avoir une activité physique sont transmis le plus souvent par le milieu familial. Si les parents, perçus comme des modèles, ont une alimentation déséquilibrée et bougent peu, ils transmettent leurs habitudes à leurs enfants. Lorsque l’on veut prévenir l’obésité et opérer les changements de comportement nécessaires, le rôle des parents est donc capital.» Les parents ne sont pas les seuls concernés.
En Angleterre, par exemple, cet apprentissage se fait également à l’école, grâce à des programmes incluant cours de diététique, courses et confections de repas. Les distributeurs de sodas et de barres chocolatées ont été supprimés dans les écoles, et le nombre d’heures d’activités physiques a été augmenté.
Plus près de nous, en Suisse alémanique, des stages pour enfants obèses sont organisés depuis quelques années. «Ici, par contre, dans les milieux scolaires, les initiatives visant à faire connaître les risques d’une mauvaise alimentation et les bénéfices d’une alimentation saine et équilibrée sont trop rares», déplore le professeur Alain Golay *.
Le traitement
Mis à part dans quelques rares cas, le traitement de l’obésité chez les enfants ne vise pas à les faire maigrir, mais à maintenir leur poids grâce à un changement de comportement alimentaire et à une activité physique. En grandissant, ils retrouvent ainsi progressivement un poids correspondant à leur taille. Les enfants ne sont donc pas astreints à un régime, qui entraînerait des frustrations et des risques de carences.
En revanche, la quantité de nourriture est diminuée, leurs repas sont réorganisés, leurs choix alimentaires sont réorientés, et ils apprennent à composer des repas avec les différents groupes d’aliments. Parallèlement, l’accent est mis sur une réduction de la sédentarité (apprendre à gérer le temps passé devant la TV ou la console de jeu) et une augmentation de l’activité physique (aller à l’école à pied, prendre les escaliers plutôt que l’ascenseur).
Le troisième axe du traitement, c’est l’environnement familial. «Un enfant obèse a plus de chance de retrouver un poids dans lequel il se sente bien si les repas servis à la maison sont équilibrés, si les placards ne sont pas remplis de barres chocolatées ou de viennoiseries et si ses parents lui donnent le bon exemple. L’éducation des parents en matière de nutrition, leur participation active au traitement et leur soutien sont donc indispensables», commente le professeur Alain Golay.
Tout en concluant: «C’est la combinaison de ces trois différents éléments qui permettra aux enfants, qui sont notre futur, de ne pas devenir nos futurs patients.»
* A Genève, le Service de santé de la jeunesse propose un programme pour les enfants gros ou obèses (tél. 022 327 61 50 ou ssj(at)etat.ge.ch)
Les habitudes à prendre
- Prendre trois repas par jour.
- Prendre un vrai petit déjeuner.
- Limiter les aliments trop gras et trop sucrés.
- Choisir des fruits pour le dessert.
- Manger des légumes à tous les repas.
- Boire de l’eau (à la rigueur des sodas light).
- Préférer le pain aux goûters industriels.
- Arrêter le grignotage.
- Se dépenser physiquement (marche, bicyclette, natation entre autres).