Médicament et risques de mortalité
Quoi de plus banal que de prendre un médicament ? En apparence tout au moins, car les études montrent que prendre un médicament sans un accompagnement professionnel rigoureux présente un risque de mortalité 5 à 10 fois plus grand que de prendre sa voiture ! Un peu comme de conduire sans sa ceinture de sécurité ! Tour d’horizon d’un risque largement sous-estimé du public et aux conséquences considérables.
Par Julie Eigenmann, Jean-Philippe de Toledo
Dans son aide-mémoire, l’OMS nous dit que « d’après les estimations, les réactions indésirables aux médicaments sont une cause de mortalité importante dans certains pays (elles se situent entre le 4ème et le 6ème rang). Le pourcentage des hospitalisations dues à ces réactions oscille entre 10 et 20%. Ce phénomène a de graves répercussions économiques sur les services de soins, et certains pays ne consacrent pas moins de 15 à 20% de leur budget de la santé aux problèmes liés aux médicaments ».
Par ailleurs, selon The Lancet (2011), les « effets secondaires des médicaments ont atteint des proportions épidémiques et augmentent à un rythme double de celui des prescriptions. La Commission européenne a estimé en 2008 que les effets secondaires tuaient 197 000 citoyens européens annuellement, avec un coût de 79 milliards d’euros ».
Appliqués à la population suisse, ces chiffres représentent plus de 3600 morts, soit près de 10 fois le nombre de tués sur la route (384 en 2007), et un coût d’environ 1,5 milliards de francs !
Les causes
Dans une société où l’accès aux soins en général et aux médicaments en particulier est très facile, et où la banalisation de leur utilisation est telle qu’on les croit sans risque, nous avons parfois tendance à décider sans l’avis de professionnels de ce qui convient pour notre propre santé. Pourtant, cette automédication n’est pas sans risque puisque, dans de nombreux pays, les décès attribuables aux médicaments sont plus nombreux que ceux provoqués par les accidents de la route.
Mais l’automédication n’est pas la seule cause du problème. Selon l’OMS, tous les traitements médicamenteux, prescrits ou non, comportent des risques. Ceux-ci sont notamment dus :
- A différentes erreurs (diagnostic, prescription, posologie), erreurs probablement aggravées par l’évolution rapide des génériques, qui a généré une multiplication des noms, couleurs et dosages de médicaments copies de l’original. Cette pléthore de produits a créé une confusion tant au niveau de l’utilisateur que du prescripteur, certains patients pensant prendre deux médicaments différents alors qu’il s’agissait de deux génériques du même médicament original, d’où surdosage.
- A des troubles génétiques et allergiques du patient qui, au contact du médicament, peuvent provoquer des réactions fortes et imprévues.
- A des interactions avec d’autres médicaments (prescrits ou non) ou avec certains aliments qui se traduisent par le renforcement ou la diminution souvent imprévisible de l’effet du médicament.
- A cela s’ajoute l’utilisation involontaire de médicaments de qualité inférieure ou contrefaits achetés sur Internet. Nombre de ces médicaments, dont la composition et les principes actifs ne respectent pas les normes scientifiques de rigueur, peuvent s’avérer inefficaces, dangereux, voire mortels. Ce commerce frauduleux online fait de nombreuses victimes car, dans la plupart des cas, la qualité des produits n’est pas suffisante et l’écoute et les conseils avisés d’un professionnel de la santé font défaut. Ce ne sont d’ailleurs pas de vraies pharmacies qui sont online mais les vitrines de contrefacteurs.
Enfin, l’état physique et moral du patient peut être la cause d’une inefficacité et même d’un danger car les médicaments, même soigneusement testés, ne peuvent être considérés comme absolument sûrs. Les tests ne rendent compte que de la réaction d’un certain nombre de personnes qui ne sont pas totalement représentatives de toute la population. Le métabolisme, le sexe et l’état général de santé influencent par exemple l’effet du médicament. Sans oublier certains comportements comme le tabagisme qui peut significativement altérer l’effet d’un traitement médical.
Les solutions
La complexité, la gravité et l’ampleur du phénomène doivent impérativement conduire à se demander comment diminuer les risques liés à la prise de médicaments. Selon l’OMS, en prenant les mesures nécessaires, il serait possible d’éviter les risques à hauteur de 60%, notamment « en veillant à ce que les médicaments prescrits aient la qualité requise, soient sûrs, efficaces et utilisés par le bon patient, à la posologie et au moment voulus ».
Cela passe notamment par l’amélioration de la coordination entre les professionnels de la santé, le suivi et le dialogue sur les effets bénéfiques et indésirables des médicaments, l’utilisation d’outils performants pour identifier les risques et la mise en place de méthodologies pour pouvoir les minimiser et assurer ainsi la sécurité du patient.
Le professionnel de la santé le mieux placé pour contribuer à inverser la tendance à l’augmentation dangereuse des effets indésirables des médicaments est le pharmacien. Le fait que la pharmacie constitue une fenêtre ouverte sur la collectivité, librement accessible, que le pharmacien soit disponible et compétent et que la loi l’oblige à « user de son autorité pour inciter le patient à prendre toute mesure propre à la sauvegarde de sa santé » lui donne une légitimité pour agir. De plus, le pharmacien étant l’interlocuteur final et celui qui remet le médicament à son patient, c’est à lui qu’il revient de sensibiliser et informer les patients sur les risques, et de proposer des mesures pour réduire les effets indésirables. A la Pharmacie Principale, ces mesures ont pour noms : Pharmagarantie et Pharmaconseil. Basés sur l’éducation thérapeutique du patient, ces deux procédures permettent de dépister les facteurs de risques, de fiabiliser et d’optimiser le traitement.
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