Le point de vue actuel – Bien dans son corps, bien dans sa tête!
Le corps humain n’est pas qu’un simple organisme. Certes, il est sous l’influence directe et constante du cerveau, d’où la prolifération des maladies dites « psychosomatiques ». Mais l’inverse est tout aussi prépondérant. L’état de santé de notre corps influence fortement nos pensées et notre moral. Y prend-on suffisamment garde ?
Par le professeur André Giordan, physiologiste et épistémologue, Université de Genève
Il n’y a pas de secret ! Un mental à toute épreuve nécessite un optimum d’efforts. Notre cerveau demande de l’attention et l’équilibre personnel se protège. Pas besoin d’un plan d’entraînement mental rigoureux. Prenons juste conscience que chacun de nos gestes a une répercussion. Les soins accordés à notre corps donnent un « plus » inestimable sur l’état de notre tête; notre intellect, nos émotions… dont l’affect pourront mieux s’épanouir !
Pas question de rêver toutefois, les problèmes de la vie existent. On ne peut les nier; mais nous pouvons y faire face sans se faire mal. On peut même en profiter pour apprendre et positiver, y compris pour « vivre en santé » avec une maladie chronique. Pas question non plus de chercher des recettes, elles n’existent pas; chaque personne est unique. Ne nous limitons pas à lire les magazines féminins; ils n’en restent qu’à l’apparence. L’important n’est pas là : le paraître n’est pas l’être… La carapace se fissure vite quand on ne travaille pas l’intérieur. Un coach peut-il nous y aider ? La plupart du temps, leurs solutions personnalisées ne sont valables que pour eux-mêmes !
Cela ne veut pas dire qu’on ne puisse rien faire. Comptons sur nous et… un trio vertueux peut nous accompagner. Il se nomme « B3 »… non pas la supervitamine nécessaire au métabolisme, mais simplement les 3 B qui ne dépendent que de nous : « bouger, bouffer, b(aiser)… ». En termes plus scientifiques, trois facteurs sont déterminants pour assurer un bon moral via le corps : une activité physique raisonnée et raisonnable, une nourriture saine et équilibrée, une sexualité épanouie avec, chaque fois, un zeste de plaisir.
Bouger c’est bon pour le moral!
Bouger, ce n’est pas s’astreindre à une gymnastique spartiate ou envisager le prochain marathon de New York. Laissez cela à ceux qui ont besoin d’exister ! Tout est dans la douceur, la progressivité et l’opportunité. Bouger, c’est monter les escaliers, courir dans la rue ou en forêt, rouler à vélo, jouer, faire son marché, aller au travail à pied ou s’arrêter deux arrêts de bus avant. Tout est dans la durée : cinq minutes ne sont que bonne conscience. Envisager plutôt de trente à quarante-cinq minutes par jour. Le plaisir est un atout essentiel pour prendre goût à une activité physique et s’y épanouir. Il est important de choisir ses activités en fonction du plaisir qu’on peut se donner.
Bouger, c’est bon pour le corps, mais également pour l’esprit. Le mouvement, c’est le meilleur moyen de bien faire fonctionner tout l’organisme. Le système musculaire est mis en branle et a besoin d’un élément essentiel : l’oxygène. Il appelle le cœur et les poumons à l’aide pour lui en fournir. Le cerveau et les nerfs en profitent largement, l’encéphale consomme beaucoup d’oxygène.
Les scientifiques l’ont mis en évidence, l’activité physique produit en retour des substances chimiques bénéfiques, les hormones. En revanche, l’inactivité, elle, induit tout le contraire : la fatigue, l’envie de ne rien faire. Bouger avec une certaine intensité libère de l’adrénaline qui a un effet bénéfique sur la gestion des sucres par l’organisme. Le cerveau, grand acheteur de glucides, en profite particulièrement.
L’activité physique améliore le rapport « bon cholestérol-mauvais cholestérol ». Le sang circule mieux, les risques d’AVC diminuent. On peut ainsi mieux le canaliser, mieux en faire même une force ! Au bout d’un quart d’heure d’un footing doux, des endorphines, ces hormones du plaisir, vont encore inonder le cerveau. Avec l’adrénaline, elles provoquent un état de bien-être. Le cerveau se met à planer, pas besoin de prendre de la drogue. Finis les cartels de Colombie ! Le seigneur de la tête reçoit sa part de drogue de la façon la plus naturelle et sans effets secondaires...
Bouffer…aussi !
Manger est également bon pour le cerveau. Une seule précaution : tenir compte des « ni ni ». Ni trop de nourriture avec trop de graisses cachées ni trop peu au travers de régimes drastiques qui induisent le yoyo du poids. Tout est affaire d’équilibre ! Mais il ne suffit pas de le savoir, il faut pouvoir l’assurer. Ici également, les gourous sont multiples et chacun a sa recette. Que nenni ! Un bon équilibre alimentaire, c’est avant tout un état d’esprit. C’est beaucoup moins contraignant qu’on ne se le représente. Quelques pratiques de vie simples y pourvoient… Surtout évitons d’en faire tout un plat !
Pour être performant intellectuellement, pour avoir bon moral, le cerveau a besoin d’être bien nourri. Le cerveau monopolise beaucoup des sucres consommés, avons-nous vu plus haut, plus de 30%. Dès le petit-déjeuner, des sucres « lents » (céréales, biscuits) fournissent le carburant propice au traitement des multiples informations à décoder dans la journée. Au dîner, pâtes, riz ou encore pois cassés, lentilles ou haricots secs doivent venir à la rescousse pour apporter des sucres supplémentaires. Toute la nuit, pendant que le cortex dort, le reste du cerveau trie, classe et stocke les informations de la journée. C’est ainsi qu’on mémorise.
Ensuite, il lui faut des protéines, végétales ou animales. Au moins 80 g par jour sont souhaitables, car elles sont difficilement stockées. Le poisson, les œufs, la viande de bœuf, les haricots secs, les lentilles et les produits laitiers, surtout les fromages à pâte cuite, sont à privilégier. Tous apportent les 20 types d’acides aminés qui construisent en permanence les cellules de notre cerveau. Tous ne sont pas interchangeables et, quand l’un vient à manquer, un certain malaise s’installe ou des maux de tête. Pour passer une épreuve intellectuelle, il est toujours bénéfique de forcer sur les protéines. Elles favorisent la production d’acéthylcholine, de dopamine et de noradrénaline qui mettent en alerte les fonctions mentales.
Si l’abus de graisses dites « saturées » est néfaste, cela ne veut pas dire : pas de graisse du tout. Le cerveau en a besoin pour son entretien. L’apport en acides gras polyinsaturés, les fameux oméga 6 et oméga 3, est à privilégier. Ils limitent la tension artérielle et permettent donc un meilleur apport en sang chargé de nutriments. Le passage des influx nerveux est facilité, car ces lipides sont constitutifs de la construction de la membrane des cellules nerveuses. Une carence en oméga 3 perturbe les capacités d’apprentissage et se trouve être l’une des origines de nombre de déprimes. On les trouve dans les huiles de noix, d’olive, de colza et dans les germes de blé.
Bien sûr, les fruits et légumes frais sont au rendez-vous. Il est conseillé d’en consommer au moins 500 à 800 g par jour, selon le sexe et la taille ! Leur richesse en vitamines et en sels minéraux ou encore en microconstituants variés favorise une bonne organisation cellulaire et apporte de l’eau. Car le cerveau, contrairement à ce que l’on pense, est très riche en eau. La matière corticale, celle qui permet de penser, en contient 82% ! Cela signifie qu’il faut boire, mais pas autant que les publicités le proclament. Attention aux mictions, en d’autres termes aux « pipis » trop fréquents ! Ce sont des pertes considérables en sels minéraux et oligoéléments. Dommage qu’on n’apprenne plus, comme au XVIIe siècle, à mirer les urines pour voir si elles sont trop concentrées ou trop claires.
Enfin, n’oubliez pas de rester gourmand, c’est bon pour le cerveau ! D’abord, parce qu’un plaisir est toujours bon à prendre. Ensuite, parce que, à trop vouloir se restreindre, on finit toujours par craquer !
Et b… est excellent !
L’activité physique, manger équilibré, c’est encore l’occasion de rencontrer l’autre, de se faire des amis. Du plaisir en sus ! Mais, pour se réaliser pleinement, encore faut-il être gourmand d’autres activités : théâtre, musique, arts… Surtout, n’oublions pas des moments de sexe. Parce que les pratiques sexuelles, quand elles ne « prennent pas trop la tête » sont toutes bonnes… L’insatisfaction sexuelle ou l’abstinence favorisent les pathologies mentales. Alors qu’une vie sexuelle épanouie, au moins satisfaisante et pratiquée régulièrement, est bénéfique à notre santé tant physique que psychique.
Aucune autre activité corporelle ne déclenche autant de sécrétions d’hormones vitales pour le cerveau que le sexe. C’est une pluie de neurotransmetteurs, comme la dopamine, la sérotonine, l’ocytocine, la vasopressine dans la boite crânienne; le taux de testostérone dans le sang, y compris pour les femmes, est renforcé. Faire l’amour donne du peps ! Il rend de bonne humeur et active la pensée, la mémoire et, d’une manière générale, les capacités d’apprentissage.
Ici également, tout se cultive ! Pourquoi ne pas tenter de bien connaître l’autre et d’organiser un environnement qui provoque le désir. C’est selon : un petit dîner, un bain, des massages ou encore lire ensemble des nouvelles érotiques ! Et, pour ceux qui recherchent la plénitude par l’amour, le grand ( !), la sexualité peut encore être la voie directe. Des chercheurs ont découvert une molécule appelée ocytocine; cette substance permettrait d’éprouver de l’amour, en tout cas de l’attachement. L’organisme constitue donc la base. Le mental, lui, au sommet de la pyramide, dépend totalement de ce dernier. Ce sont des fondations corporelles assurées qui consentent à s’élever dans l’accomplissement de son bien-être.
Et si nous changions nos neurones ? Les comportements se transforment rapidement de nos jours. Ces changements ne concernent pas uniquement le développement durable, ils démarrent avec soi, et pour commencer avec plus d’attention à sa propre santé. N’attendons pas la maladie pour nous occuper de notre corps. N’en restons pas à l’idée que la médecine, les médicaments, seront toujours là pour nous soulager. L’homme bionique qui pourra remplacer tous ses organes n’est pas encore à l’ordre du jour.
Pourquoi ne pas prendre le problème en amont, en mangeant sainement, en s’activant dans des lieux sains, en redécouvrant les plaisirs du corps intime. Les études les plus récentes montrent toutes une apparition des maladies retardée. Surtout, un mieux-être diffuse du corps vers la tête. Certes, c’est un travail de tous les jours. Il ne doit en aucun cas constituer un pensum ! Peut-être nous faut-il commencer par changer de petites choses. Lorsque nous constaterons leurs effets bénéfiques, nous serons encouragés à persévérer et à aller plus loin.
Mais pas d’intégrisme ! Ne cherchons pas la cohérence à tout prix... La cohérence d’une vie est différente de celle de la logique classique. De temps à autre, une grande fête, un excès, une respiration hors de chez nous ou un dérapage contrôlé suivant nos désirs font également partie du « soin de soi ». Pas de mauvaise conscience ! Si cela fait du bien au corps, le cerveau et le moral ne s’en trouveront que mieux...