Infarctus: NON à la récidive, ELIPS éduque les patients
Dirigé par le Dr Pierre-Frédéric Keller, cardiologue aux HUG, le programme ELIPS vise à aider les patients victimes d’un infarctus à prendre soin d’eux pour ne pas faire partie des 15% qui récidivent dans l’année qui suit. Interview.
Propos recueillis par Patricia Bernheim
Qu’est-ce qu’ELIPS ?
C’est un programme d’éducation thérapeutique inédit dans le domaine cardiovasculaire. Son but est d’améliorer la qualité des soins en milieu hospitalier et d’inciter les patients qui ont été victimes d’un syndrome coronaire aigu (SCA) à poursuivre une thérapie à long terme après leur séjour hospitalier.
Pourquoi était-il nécessaire ?
Chaque année en Suisse, près de 30 000 personnes font un infarctus du myocarde et 15% présentent une récidive d’événement cardiovasculaire dans l’année qui suit, récidive qui n’a pourtant rien d’une fatalité.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Aujourd’hui, la prise en charge en urgence d’un patient qui se présente avec un SCA est très performante et très rapide. Il se sent donc rapidement soulagé et sort quelques jours plus tard de l’hôpital en pensant qu’il est guéri. Or, il reste un patient à hauts risques. L’athérosclérose à l’origine de son infarctus est une maladie chronique qui nécessite, à vie, un traitement composé de nombreux médicaments, une surveillance de la tension et de la glycémie et un changement de mode de vie important. De passif, il doit devenir actif dans sa prise en charge. Mais les études le montrent : un patient sur sept récidive dans l’année qui suit l’intervention. Cela s’explique notamment par le fait que 30% d’entre eux arrêtent tout ou partie de leur traitement dans le mois qui suit l’accident vasculaire.
Qu’en avez-vous conclu ?
Il fallait d’une part améliorer la qualité des soins en milieu hospitalier pour garantir les prescriptions des traitements recommandés, de l’autre améliorer la manière dont l’information était donnée au patient, notamment en développant de nouveaux outils d’information et de communication. Aujourd’hui, la relation entre soignants et patients ne peut plus être constituée d’interdits et d’obligations. Ca ne marche pas. Pour que le patient adhère à son traitement et soit motivé, il faut qu’il comprenne ce qui lui est arrivé et les raisons pour lesquelles il doit modifier ses habitudes. On doit l’amener à avoir envie de chercher l’information. Les différents supports ont donc été conçus sur un mode ludique et interactif pour être plus stimulants. De plus, une nouvelle approche relationnelle a été développée pour ces patients.
Quels sont ces différents supports ?
Durant son séjour à l’hôpital, le patient est invité à regarder un film didactique et à découvrir les différents facteurs de risque par le biais d’une fresque murale interactive. Nous avons adapté l’information pour la rendre attrayante sur différents supports qui ont chacun un rôle spécifique en termes de communication. Le patient a également des entretiens motivationnels avec des professionnels formés à cette technique. Lorsqu’il rentre chez lui, il est muni d’un carnet de sortie, un document qui fait le lien entre l’hôpital et le médecin traitant. Les médicaments indispensables à son traitement y sont répertoriés. Ce carnet permet aussi au patient de poursuivre sa réflexion sur ses facteurs de risques cardiovasculaires, de consigner ses décisions au sujet des changements à apporter à son mode de vie ainsi que les objectifs qu’il souhaite atteindre, comme arrêter de fumer, bouger plus, adopter une alimentation pauvre en graisses ou gérer son stress. Enfin, le site internet www.elips.ch et une application smartphone permettent de compléter ou de partager les informations avec son entourage. Tous reprennent les mêmes informations de base et les développent. Il n’y a donc plus qu’un seul discours, pour que le patient retrouve rapidement les messages clés dans un environnement familier.
ELIPS ne s’adresse-t-il qu’aux patients ?
Le programme ELIPS touche aussi les soignants hospitaliers, extrahospitaliers et les réseaux de soins. Le programme a été déployé en Suisse à la fin 2010 avec une médiatisation du programme, un réseau de distribution des outils du programme dans les hôpitaux et dans les cabinets médicaux : finalement, nous avons formé plus de 300 infirmières des centres de cardiologie suisses en éducation thérapeutique et plus précisément en entretien motivationnel. Ce programme de formation se compose d’un cours de formation sur internet complété d’une formation pratique, le tout développé par les hôpitaux universitaires de Genève.