Grossesse: quand le cancer s’en mêle
C’est rare, mais il peut arriver que la joie d’être enceinte soit plombée par un diagnostic de cancer, le plus souvent une tumeur mammaire. Les explications du Professeur Monica Castiglione, médecin responsable de l’Unité d’Oncogynécologie médicale des HUG.
Propos recueillis par Patricia Bernheim
La pilule, la grossesse ou l’allaitement peuvent-ils augmenter les risques de cancer ?
En ce qui concerne la pilule, la réponse est peut-être, mais de vraiment très peu, y compris dans les cas familiaux de cancer du sein. Il n’y a pas de quoi avoir peur. Chez les femmes jeunes, c’est plutôt la grossesse qui augmente le risque de cancer du sein durant la grossesse et l’année qui suit. Le cancer du sein est rare chez les femmes de moins de 40 ans – à Genève, nous en voyons une quarantaine par an – et nous avons observé qu’il était fréquent que celui-ci se développe pendant la grossesse.
Comment l’expliquez-vous ?
Le cancer a beaucoup à faire avec les hormones, comme la grossesse, mais ce n’est certainement pas le seul élément.
Qu’en est-il de l’allaitement ?
Il diminue les risques de cancer parce que le sein fait son développement complet lorsqu’il produit du lait. Or, lorsqu’un organe se développe totalement, il devient plus stable et les risques sont diminués.
La grossesse peut-elle avoir une incidence sur le dépistage du cancer du sein ?
Cela le rend plus difficile parce que les seins changent au cours de ces neuf mois. Assez souvent, une modification est mise sur le compte de la maternité alors qu’il s’agit d’une masse. A cela s’ajoute qu’on hésite à faire une biopsie sur un sein qui est douloureux et gonflé, que certains examens comme la mammographie ne peuvent pas être faits pendant le premier trimestre de la grossesse et que l’IRM est déconseillée ! Tout cela représente des freins au diagnostic même si l’ultrason est possible pendant la grossesse et aussi pendant les premiers 3 mois. La conséquence, c’est que ce type de cancer est détecté tardivement. Aujourd’hui, on sait en revanche que la mammographie est sans gros risque après le premier trimestre, ce qui permet un dépistage plus précoce.
Qu’en est-il du traitement ?
S’il commence après le premier trimestre, il consiste en une intervention chirurgicale pour enlever la tumeur, suivie d’une chimiothérapie. La radiothérapie, elle, est faite après l’accouchement.
Représente-t-il des risques pour le fœtus ?
Il y a un risque un peu plus élevé de fausses couches ou de mettre au monde un bébé plus petit que la moyenne. La chimiothérapie entraîne une diminution des globules blancs chez la mère et chez l’enfant à laquelle il faut faire attention lors de l’accouchement. D’une manière générale, je dirais qu’il vaut mieux être prise en charge dans un centre spécialisé disposant d’oncologues ayant une pratique courante de ce type de cas.
Le cancer et son traitement ont-ils une incidence sur la possibilité d’avoir un enfant ?
Une chimiothérapie sur une femme de moins de 35 ans peut entraîner un risque de ménopause et ce risque augmente avec l’âge. Par ailleurs, beaucoup de patientes suivent une hormonothérapie pendant cinq ans et une grossesse est déconseillée durant le traitement à cause des risques de malformations du fœtus. Or, certaines femmes ont peur d’être ensuite trop âgées pour tomber enceinte. Dans ces cas-là, on se concentre sur ce qui est prioritaire. Si c’est d’avoir un enfant, l’hormonothérapie peut être interrompue et reprise après l’accouchement. Il faut être pragmatique: on meurt encore d’un cancer du sein, mais de moins en moins souvent. Grâce au dépistage précoce mis en place en Suisse romande, le pronostic s’est nettement amélioré. Reste qu’on ne peut pas ignorer que des jeunes femmes se retrouvent stériles à 25 ans, mais tout espoir n’est pas perdu grâce à la procréation médicalement assistée.
Y a-t-il des risques de récidive lors d’une grossesse ultérieure ?
Nous ne disposons d’aucune donnée pour indiquer que le risque de cancer du sein est accru lors de la grossesse suivante. Nous ne décourageons donc pas les femmes qui souhaitent avoir un autre enfant, mais nous conseillons, dans la mesure du possible, d’attendre deux ans.