Une semaine pour renaître
Etre hospitalisé pendant cinq jours pour comprendre sa maladie et son traitement : c’est ce que propose aux personnes diabétiques le Service d’Enseignement Thérapeutique pour Maladies Chroniques des HUG, dirigé par le Professeur Alain Golay.
Par Patricia Bernheim
Dans Le hall du service, une dizaine d’hommes et de femmes, âgés de 30 à 60 ans. Leur point commun : diabétiques. Ils ont été envoyés ici par leur médecin traitant. Les uns profitent de la présence de steps et de vélos pour faire un peu d’exercice, d’autres papotent. Au mur, des propositions de parcours pédestres. Le plus court invite à faire le tour de l’hôpital (1 km). Le plus long consiste à contourner le site des HUG, à traverser le parc Bertrand, puis à emprunter les bords de l’Arve (6 km).
Sur un tableau, le programme des activités de la journée : un atelier de paroles intitulé «Mes incidents de parcours» à 9 h, un cours diététique pour apprendre à «Varier son alimentation en expert» à 10 h 15, une séance de «Thérapie par le mouvement» à 14 h 30, suivie, à 16 h, d’un moment de réflexion sur le thème «En suivant mon traitement, j’améliore…».
Le programme est dense et chaque jour différent. Pionnier du genre, son objectif est d’enseigner des connaissances et des compétences aux patients diabétiques. «Lorsqu’on est diabétique, on doit savoir ce qu’on mange et pourquoi la glycémie monte ou descend, explique le Professeur Alain Golay. La personne diabétique est toujours entre deux feux : soit trop de sucre, soit trop peu.
Or, on a constaté que, si les personnes comprennent leur maladie et leur traitement, leur qualité de vie s’améliore, le traitement est mieux suivi et les complications liées au diabète diminuent. On a ainsi pu réduire de 80% les amputations et de 90% la cécité depuis la création de l’Enseignement Thérapeutique il y a trente ans.»
Une approche centrée sur la personne
Particularité de ce programme unique : l’approche développée est humaniste, c’est-à-dire centrée sur la personne, ses besoins, son vécu, ses ressources, et non sur la maladie. «Ici, nous ne dictons pas au patient ce qu’il doit faire.
Nous lui transmettons une information et nous négocions avec lui pour l’amener à un changement de comportement alimentaire. Ce n’est pas quelque chose qui se prescrit, mais qui s’apprend et s’intègre dans la vie de tous les jours», précise le professeur.
Durant cette semaine, tout est prétexte à l’apprentissage. D’un côté, des ateliers théoriques sur la diététique, l’activité physique ou les soins aux pieds. De l’autre, des mises en pratique directes. Si le repas de midi est un buffet, c’est pour apprendre à se composer un menu équilibré.
Les patients s’exercent aussi à la confection de sauces allégées ou font des courses en portant une attention particulière aux étiquettes. Sans oublier un important volet d’art thérapie, parce que certaines personnes s’expriment plus facilement à travers le dessin ou la danse qu’avec des mots.
Autre particularité : les entretiens motivationnels. «Il s’agit de motiver nos patients à changer de comportement alimentaire. Cela nécessite d’être en empathie avec eux, de les soutenir à travers les succès qu’ils remportent et d’analyser les erreurs pour ne plus les répéter», souligne le Professeur Golay.
Un axe particulièrement important puisque les changements d’habitude de vie sont un travail de longue haleine. «Rien n’est immédiat dans ce domaine. Les soignants n’ont des chances de succès que si le changement se fait très progressivement et sans que cela coûte trop au patient sur le plan psychologique.»
Une prise en charge complète
Bilan de cette semaine : très positif, pour plusieurs raisons. «D’ordinaire, un patient diabétique voit son médecin trente minutes tous les trois mois, et il est seul face à sa maladie durant les 129 600 minutes entre deux rendez-vous. Ici, il est suivi par une équipe multidisciplinaire 24 heures sur 24, cinq jours d’affilée. Cela nous permet de faire des bilans médicaux approfondis, et les patients ont ainsi l’occasion de s’entretenir avec tous les soignants.»
Si cette semaine d’enseignement thérapeutique rencontre un énorme succès, c’est parce que les patients y vivent une sorte de renaissance. «L’effet de groupe est fondamental. Les patients s’encouragent. Certains restent en contact après la semaine d’hospitalisation et vont se promener ensemble. Tous expriment une énorme reconnaissance. D’ailleurs, le programme se remplit beaucoup grâce au bouche à oreille.»
Pour compléter ce programme, des journées thématiques motivationnelles sont régulièrement organisées. On y parle diététique et comportement alimentaire, bien sûr, mais aussi insulinothérapie intensive ou facteurs de risques cardiovasculaires. Les patients viennent en fonction de leurs besoins. Enfin, des consultations ambulatoires individuelles permettent également aux patients et aux soignants de faire le point régulièrement.
Les jeunes ne sont pas oubliés : des cours ambulatoires de trois jours successifs ont été mis sur pied pour les adolescents et jeunes adultes diabétiques. Un certain nombre d’ateliers leur permettent d’apprendre à gérer une grasse matinée, une sortie en boîte, un traitement insulino-intensif ou encore l’utilisation d’une pompe à insuline.
Pour plus d’informations
Service d’Enseignement Thérapeutique pour Maladies Chroniques
24, rue Micheli-du-Crest 1205 Genève
Secrétariat du service: 022 372 97 22
www.setmc.hug-ge.ch