Diabète et stress oxydatif
Le stress oxydatif, un déséquilibre entre les antioxydants et les pro-oxydants en faveur de ces derniers, participe au développement et à la progression de plusieurs maladies y compris le diabète et ses complications.
Par Philippe Tacchini, EDEL THERAPEUTICS SA, PSE-B/EPFL, 1015 Lausanne
Le diabète est une maladie métabolique caractérisée par un niveau de sucre trop élevé dans le sang et l’altération de la production d’insuline, l’hormone qui contrôle le passage du sucre du sang vers les cellules. On distingue le diabète de type 1 ou insulinodépendant, dans lequel il n’y a aucune production d’insuline, et le diabète de type 2 ou résistant à l’insuline, où la production d’insuline et/ou ses effets sont altérés. Les deux types dépendent de facteurs génétiques et environnementaux, mais ces derniers jouent un rôle plus important dans le déclenchement du type 2, qui peut représenter jusqu’à 90% des cas de diabète. A long terme, le diabète est suivi de plusieurs complications qui peuvent endommager gravement les pieds, les yeux, les reins et le cœur.
L’histoire du diabète est très ancienne ; le texte le plus ancien qui s’y réfère est le papyrus d’Eber, écrit 1500 ans avant J.-C., dans lequel sont mentionnés ses symptômes typiques (notamment l’urine abondante et sucrée). Déjà en ces temps reculés, la collecte d’informations pour poser un diagnostic et la capacité de mesurer un indicateur qui permette de vérifier l’efficacité des traitements jouaient un rôle fondamental. Ce sont ces principes qui ont conduit au développement parallèle de nouveaux moyens de mesure et de traitements de plus en plus efficaces.
Avec les découvertes marquantes du XVIIIe et XIXe siècles, telles le rôle du glucose dans le diabète, la purification et l’utilisation de l’insuline à des fins thérapeutiques et la mise au point de la liqueur de Fehling, un réactif cuivrique qui améliore le dosage du glucose, s’est ouverte la voie de nouveaux moyens d’analyses et de traitements, qui ont connu une accélération spectaculaire au cours des 50 dernières années.
Progrès techniques Dans les années 60, les premiers appareils individuels de mesure du glucose ont été développés. Dans les années 70, la mise en place de techniques d’auto-surveillance de la glycémie - de plus en plus fiables - a permis d’améliorer notablement la qualité de vie des patients diabétiques.
Durant les années 80, les progrès des techniques biologiques, y compris les techniques de séquençage de l’ADN, ont permis de mieux comprendre la génétique du diabète. Enfin, les années 90 ouvrent la voie de la thérapie génique, tandis que le début du XXIe siècle amène des progrès dans les nouveaux traitements, (greffes cellulaires, utilisation de nouvelles molécules thérapeutiques) et le perfectionnement des techniques existantes, sous forme notamment de systèmes miniaturisés et implantables de mesure de glucose et d’injection d’insuline.
Excès de radicaux libres Le diabète est accompagné d’une augmentation de la production de radicaux libres responsables de l’oxydation des cellules et de leurs composés et de la perturbation du système de défense antioxydant.
Les mitochondries jouent un rôle clé dans l’équilibre entre les antioxydants et les pro-oxydants. Elles sont le siège de la respiration durant laquelle le glucose est oxydé pour générer du gaz carbonique, de l’eau et de l’énergie. C’est durant ce processus qu’une partie de l’oxygène s’échappe de cette chaîne de réactions biochimiques pour former des radicaux libres. En excès, le glucose augmente la production de radicaux libres, car les mitochondries sont surchargées et leur système de contrôle est perturbé. Parallèlement, le stockage d’un excès de glucose sous forme de graisse est à l’origine de processus inflammatoires qui vont également augmenter la production de radicaux libres. En outre, l’organisme est constamment agressé par des sources supplémentaires de radicaux libres, comme le tabac et la pollution urbaine. Face à un excès de radicaux libres, les processus d’équilibre du système de défense antioxydant sont perturbés.
Mesurer pour contrôler Il est important de mentionner que, malgré le rôle bien établi et reconnu du stress oxydatif et du système de défense antioxydant dans le développement et la progression du diabète, les résultats obtenus suite aux interventions basées sur les antioxydants ne furent pas à la hauteur de nos espoirs. Cela s’explique en partie par le fait paradoxal que les antioxydants peuvent montrer des propriétés oxydantes selon leur quantité et leur environnement physiologique. Raison pour laquelle il est important de pouvoir les mesurer afin de mieux les contrôler.
Les antioxydants peuvent jouer un rôle important dans des situations précises. Une étude clinique effectuée sur des patients diabétiques, porteurs d’une mutation génétique qui affecte leur système de défense antioxydant, a donné des résultats spectaculaires: le groupe qui recevait les antioxydants a montré une réduction de plus de 50% des complications cardio-vasculaires, en comparaison avec le groupe qui avait reçu un placebo. Cette approche combinée, qui associe la génétique à des mesures physiologiques, est particulièrement prometteuse.
Le rôle de la prévention Parallèlement au développement tant des méthodes de diagnostic que des traitements du diabète, une forte augmentation du nombre de cas a été observée suite au changement du mode de vie occidental de ces 50 dernières années ; il s’agit en particulier de changements alimentaires, caractérisés par un apport calorique excessif, et du manque d’activité physique. Plus récemment, l’explosion de la prévalence du diabète de type 2 en Chine et en Inde, suite à l’occidentalisation d’une fraction toujours plus grande de leur population, a largement confirmé ces observations.
Il est établi que le vieillissement de la population, les régimes alimentaires déséquilibrés, le surpoids et un mode de vie sédentaire sont autant de facteurs qui contribuent à augmenter la prévalence du pré-diabète et du diabète de type 2. Ces mêmes facteurs sont également responsables de la diminution du système de défense antioxydant.
Inversement, plusieurs études ont prouvé que des restrictions alimentaires et la pratique d’exercices physiques réguliers pouvaient réduire de 60% les risques de progression du diabète. Ces facteurs contribuent aussi à augmenter le système de défense antioxydant.
Avec la démonstration de l’efficacité de mesures préventives telles que la réduction des apports calorifiques et la pratique d’une activité physique régulière, la prévention et la capacité de mesurer ses effets prennent une importance de plus en plus grande. Plus les mesures préventives sont appliquées tôt, plus elles sont efficaces.
La mesure régulière du taux de glycémie permet d’éviter des écarts trop importants, et donc d’en prévenir les conséquences. De manière semblable, des mesures régulières du système de défense antioxydant permettent de réduire les risques qui sont associés à des valeurs trop basses ou trop hautes, les valeurs trop basses correspondant à un risque plus élevé de sa déficience, des valeurs trop hautes à un risque plus élevé de sa sur-activation.