TTC: des thérapies aux résultats mesurables
En matière de dépression, les thérapies cognitivo-comportementales, aussi appelées thérapies brèves, obtiennent de bons résultats. Les explications des Dr Françoise Jermann et Lucio Bizzini, psychologues au sein du programme dépression des HUG.
En quoi consistent les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) ?
Ce sont des interventions qui s’appuient sur deux leviers de changement : nos pensées (le cognitif) et nos actions (notre comportement). On travaille donc sur du concret avec ces deux leviers de changement et les émotions qui y sont liées. Un autre point qui les caractérise, c’est qu’elles sont basées sur une démarche scientifique. Grâce aux protocoles, les résultats, et donc l’efficacité, peuvent être mesurés. Enfin, on les qualifie de brèves, mais, si on additionne les séances et les tâches à domicile accomplies par le patient, elles sont surtout intensives.
Dans le cas de la dépression, comment cela se passe-t-il ?
Du point de vue du comportement, l’intervention sera axée sur les activités. Les personnes dépressives disent souvent qu’elles ne font plus rien, qu’elles sont fatiguées… L’idée sera de réinstaurer des activités de plaisir, comme une promenade, et des activités de maîtrise, comme passer l’aspirateur, qui ne sont pas des plaisirs en soi mais procurent un sentiment d’autoefficacité, lorsque la tâche est accomplie. Evidemment, des obstacles vont surgir, du genre « je n’ai pas envie, pas le courage ». On va alors chercher avec la personne l’activité minimale qu’elle peut assumer. Le fait même de se remobiliser aura un aspect bénéfique sur le moral.
Et sur le plan cognitif ?
On va travailler sur les pensées avec l’objectif de faire prendre conscience au patient de la vision négative qu’il a de lui, des autres et du futur, caractéristique de la dépression. Le travail va consister à prendre de la distance par rapport à ces pensées, notamment en générant des pensées alternatives. Mais rien à voir avec la méthode Coué. Le patient va prendre conscience que les pensées ne sont que des pensées, pas des faits, et qu’il peut nuancer en générant d’autres pensées. Comprendre qu’on peut voir les choses autrement amène déjà une différence. On recommande de faire cet exercice par écrit, parce que c’est la meilleure manière d’en prendre conscience.
Le patient fait donc plus que parler et le psy plus qu’écouter ?
Le socle des TCC repose sur une collaboration entre le patient et le thérapeute. Une thérapie en TCC est une découverte guidée. On cherche ensemble. Le thérapeute est là pour optimiser les ressources du patient, pour l’aider à assouplir ses pensées, ses croyances, ses théories. Le patient s’engage à faire des tâches à domicile et à tester dans la réalité ce qui émerge durant la séance.
A qui s’adresse ce type de thérapie ?
A toute personne, quel que soit son âge, capable de s’auto-observer, de repérer ses pensées automatiques (« je suis nul », « je n’y arriverai jamais ») et prête à s’investir dans des tâches à son domicile. La psychothérapie peut être individuelle ou en groupe.
Dans le cadre des TCC, on entend parfois parler de « mindfulness ». De quoi s’agit-il ?
Avec la dépression, les rechutes sont nombreuses. Chez un patient sur cinq, elle devient même récurrente. Il fallait donc trouver un moyen de prévenir ces rechutes. Un programme de thérapie cognitive basée sur la « pleine conscience » (traduction
française de « mindfulness ») a été conçu par des collègues nord-américains et britanniques pour, justement, prévenir
les rechutes dépressives. Ce programme intègre la pratique de la méditation qui permet de se centrer sur le présent, de se tenir à l’écart des ruminations négatives et de se déconnecter de cette spirale. Sur le plan émotionnel, l’objectif est de s’accepter dans ce qu’on est. Il ne s’agit pas d’être condescendant, mais de faire preuve de bienveillance envers soi-même, au lieu de s’enfoncer.
Pour en savoir plus
« Imparfaits, libres et heureux », de Christophe André, Ed. Odile Jacob, 2006
« Méditer pour ne plus déprimer – La pleine conscience, une méthode pour vivre mieux », de Mark Williams, John Teasdale, Zindel Segal, Jon Kabat-Zinn, Ed. Odile Jacob, 2009