L’enfer des TOC
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont des petites manies devenues tellement envahissantes qu’elles entravent notre quotidien. Cette maladie invalidante peut menacer notre vie sociale, professionnelle ou familiale. Les explications du Dr Roland Eiselé, spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie à Genève.
Qu’est-ce qu’un TOC ?
La première chose à préciser, c’est qu’il n’y a pas de TOC sans trouble anxieux, c’est-à-dire une anxiété de fond, permanente, sourde et pénible. La première caractéristique du TOC, c’est que les personnes qui en sont atteintes sont envahies par des pensées pénibles, obsédantes, qui s’imposent à elles et qu’elles veulent voir disparaître, parce qu’elles sont centrées sur la crainte d’un danger futur.
A cela s’ajoute l’idée que le danger sera pire encore si l’on ne fait rien pour l’empêcher. La deuxième caractéristique, c’est que, pour chasser ces pensées et faire diminuer l’angoisse, ces personnes se sentent obligées de s’adonner à un comportement compulsif ou rituel. La troisième caractéristique, c’est l’évitement. Elles fuient toute situation qui pourrait déclencher l’anxiété, et donc les images obsédantes. Mais tous ces rituels finissent par représenter un handicap. Ils renforcent en fait les idées obsédantes.
Est-ce un trouble courant ?
Il touche aussi bien les enfants que les ados et les adultes. Environ 2,5% de la population est concernée.
Quels sont les TOC les plus répandus ?
Le lavage, la vérification (s’assurer dix fois que la porte est bien fermée à clé, la cuisinière éteinte), le comptage et, plus rarement, le fait d’amasser de manière compulsive.
Quelle en est la cause ?
On n’a pas encore d’explications très claires. Il se pourrait qu’il y ait une sensibilité neurobiologique et que celle-ci soit favorisée par certains comportements (les rituels, les vérifications) qui renforcent les symptômes.
En quoi consiste le traitement ?
Plusieurs études montrent qu’on obtient de bons résultats avec les thérapies cognitivo-comportementales ou avec une pharmacothérapie spécifique. Ces deux thérapies sont proposées seules, mais le plus souvent en association ; 75% des personnes ayant suivi ces traitements sont en rémission ou éprouvent un réel soulagement. Dommage que beaucoup soient encore persuadés qu’on ne peut rien faire…
Quelle attitude adopter en tant que proche ?
En général, l’entourage entre dans les rituels, parce que c’est dur d’être face à la souffrance de l’autre et de ne rien faire. Il faudrait plutôt faire prendre conscience à la personne de l’importance ou de la fréquence de ses symptômes et l’inciter à consulter un médecin. L’idéal serait d’être à la fois ferme et plein de compréhension face à sa souffrance.
Témoignage
« J’ai honte de mes TOC. Honte d’avoir un comportement ridicule, de le savoir et, malgré tout, de ne pas pouvoir faire autrement », raconte Solange. Chez elle, les premiers TOC sont apparus dans l’enfance. « Je ne touchais les interrupteurs qu’avec les manches de mon pull et j’ouvrais les portes avec les coudes pour ne pas me salir les mains. »
Au fil des ans, les TOC prennent de plus en plus de place. « J’avais peur des microbes, peur d’être contaminée et peur d’être « contaminante », c’est-à-dire de faire du mal à quelqu’un. Mon problème, c’est que je ne sais pas d’où vient le danger. Il pourrait être partout… » Sa peur de la contamination l’empêche par exemple d’essayer des vêtements avant de les acheter et l’oblige à les laver trois fois avant de les mettre. Dès qu’elle rentre de l’extérieur, elle « doit » se doucher et laver ses cheveux, sa montre et ses lunettes. Elle a deux armoires, une pour les habits qu’elle porte à l’intérieur, une autre pour ceux avec lesquels elle sort. Elle ne les mélange jamais, même pour la lessive.
Une véritable prison mentale qui se resserre de plus en plus. Solange en est ainsi arrivée à ne plus faire son ménage, parce que c’était devenu insurmontable : les meubles devaient être nettoyés dans un certain ordre, avaient leur chiffon attitré pour éviter de contaminer tout le mobilier et, malgré cela, elle avait peur de contaminer des endroits qui ne l’étaient pas encore. « J’étais tout à fait consciente de mes TOC. Je savais que mes rituels étaient débiles et ne servaient à rien, mais je ne pouvais pas faire autrement… C’est précisément de là que venait la souffrance. »
Epuisée physiquement et psychiquement par le temps et l’énergie consacrés à ses TOC, Solange a fini par sombrer dans une dépression. Avec son médecin, elle a enfin pu évoquer ce dont elle avait tellement honte et entamer un traitement qui commence à porter ses fruits. « Mes TOC sont moins envahissants, j’ai appris à vivre avec eux, mais il y a encore du travail… »