Maladies cardio-vasculaires: où en êtes-vous?
Chaque année en Suisse, près de 22 000 personnes sont victimes d’infarctus du myocarde (attaque cardiaque) ou d’un accident vasculaire cérébral ou AVC (attaque cérébrale). Certains facteurs de risques sont souvent dénoncés, d’autres beaucoup moins. On ne nous dit peut-être pas tout…
Par le Dr Michel Brack, spécialiste du stress oxydatif
En Suisse, on meurt surtout de maladies cardio-vasculaires (37% des décès) et de cancers (26%). Les accidents viennent loin derrière (4%) suivis par les suicides et enfin les maladies infectieuses (1%).
Les maladies cardiovasculaires restent donc à juste titre une préoccupation de santé publique. De nombreuses études scientifiques, portant au total sur des centaines de milliers de patients angoreux, hypertendus, hyper-cholestérolémiques et obèses, y ont été consacrées, compilées et analysées.
Ces études nous ont apporté des informations essentielles sur les risques cardiovasculaires encourus par ces populations. Derrière le « risque cardio-vasculaire global » menacent en effet l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral, ceux que l’on cite le plus souvent.
Le facteur stress
Les maladies cardiovasculaires englobent cependant des pathologies plus diverses, plus complexes et plus intriquées. Depuis peu, on connaît le risque cardiovasculaire lié à la polyarthrite rhumatoïde, une maladie inflammatoire chronique rhumatismale a priori loin du cœur et des vaisseaux, ainsi que le risque majeur d’accidents cardiovasculaires encourus par des patients souffrant d’un syndrome d’apnées du sommeil.
Aux côtés des facteurs de risques classiques, comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le tabagisme et la surcharge pondérale, d’autres paramètres sont sous le feu de l’actualité. Des études plus récentes ont mis l’accent sur les comportements de vie. Elles mettent en exergue de façon de plus en plus convaincante la sédentarité, le manque d’exercice et le stress psychosocial ou plus exactement « psycho-socioprofessionnel ». Soupçonné depuis longtemps, ce fléau très contemporain n’est pris en compte au même titre que les facteurs classiques que depuis 2011, grâce à une étude démontrant son rôle majeur comme facteur indépendant dans l’infarctus du myocarde.
Des mesures simples
Ces nouveaux éléments devraient obliger à reconsidérer les stratégies de prise en charge de ces maladies ou situations. Et cela commence à être le cas. L’idée que l’ensemble de ces anomalies et symptômes pourrait être accessible à des mesures très simples visant à influer même modestement les comportements de vie pointe dans un contexte où les antihypertenseurs, les hypocholestérolémiants et autres blockbusters dominent, sans être remis en question, au grand bonheur des firmes pharmaceutiques.
Ainsi, un consensus s’est fait autour de l’activité physique régulière (qui n’a rien à voir avec la pratique d’un sport…). Celle-ci améliore la pression artérielle, le poids et la répartition masse maigre/masse grasse, le rythme et la performance cardiaque, la fluidité du sang, les taux de « bon » et de « mauvais » cholestérol, la glycémie… et la réponse au stress psychosocial !
Le cas des statines
Parallèlement à cette prise de conscience très rassurante, le débat sur les prescriptions systématiques de certains médicaments rejaillit de plus belle. Il s’inscrit dans un contexte « anti pharma » alimenté jour après jour par des procès intentés par des patients victimes de leurs effets secondaires.
Les statines, dont on connaît et reconnaît l’extraordinaire efficacité pour faire baisser le taux de cholestérol, sont l’exemple caricatural de la polémique qui oppose farouchement les pros et les antis. Les premiers argumentent, preuves scientifiques à l’appui, que les statines protègent du risque cardiovasculaire, voire de certains cancers et de la maladie d’Alzheimer. Les seconds proclament, à l’inverse, avec d’autres preuves scientifiques à l’appui, qu’elles ne servent le plus souvent à rien si ce n’est à empoisonner la vie des patients du fait de leurs effets secondaires non négligeables, en particulier sur le plan musculo-tendineux.
Il se trouve cependant que ces médicaments sont largement prescrits et, depuis peu, même lorsque le taux de cholestérol est normal ! Les antis crient au scandale. Les médecins continuent de les prescrire, n’osant pas, pour la plupart, s’opposer aux recommandations officielles. La crainte du procès l’emporte habituellement sur les convictions, plus encore sur les doutes. Quant aux patients, qui naturellement s’orientent vers des solutions alternatives « moins chimiques », ils n’ont que rarement la parole.
Et si le vrai débat était ailleurs ? Ces prescriptions ne sont pas forcément inutiles et dangereuses, mais elles devraient être envisagées dans le cadre d’une démarche personnalisée et non comme une panacée universelle. Elles ne devraient en particulier être prescrites que lorsque toutes les stratégies de modifications de comportement, beaucoup plus faciles et inoffensives, ont échoué.
Un dénominateur commun
Un autre phénomène est totalement oublié alors qu’il fait pourtant le lien entre tous ces facteurs et apporte un autre éclairage. Il s’agit du stress oxydatif ou stress oxydant. Les études démontrant de façon irréfutable le rôle majeur de l’oxydation des lipides dans les maladies cardiovasculaires sont pourtant déjà anciennes.
La plaque d’athérome, qui sera un jour responsable de l’infarctus, de l’embolie et de l’AVC, se constitue à partir du « mauvais cholestérol » oxydé (LDL oxydé). Celui-ci n’étant plus reconnu par les systèmes d’épuration est phagocyté par des cellules spécialisées, les macrophages. Gorgés de LDL oxydés, ceux-ci se transforment en cellules spumeuses qui sont le ciment de la plaque d’athérome. De plus, le stress oxydatif fragilise secondairement la plaque et augmente ainsi considérablement le risque d’envoi d’embols vers les coronaires ou les vaisseaux cérébraux.
Les méfaits du stress oxydatif ne s’arrêtent pas là. Il est un facteur d’obésité et de diabète, il est très présent chez les hypertendus, les fumeurs et tous ceux qui ne bougent pas assez ou trop. Il est également très corrélé au stress psychosocial. C’est lui, enfin, qui fait le lien entre syndrome d’apnées du sommeil, arthrite rhumatoïde et risque cardio-vasculaire. Il explique très probablement le risque cardiovasculaire des jeunes femmes qui prennent certaines pilules (en augmentant leur taux de LDL oxydé), et les troubles musculo-tendineux des statines qui inhibent fortement la synthèse du cholestérol, mais aussi jusqu’à 50% la synthèse d’un antioxydant indispensable au bon fonctionnement de nos mitochondries, la Co Enzyme Q 10 !
Alors que fait-on ? Rien… car il est plus intéressant de vendre les blockbusters comme le sont les statines que des antioxydants ! L’industrie consacre des dizaines de millions aux grandes études multicentriques internationales, dont les résultats contradictoires alimenteront encore longtemps des débats houleux, mais les fonds nécessaires à la mise en place d’essais sérieux dans le domaine des antioxydants n’existent pas…
Une approche pleine de promesses
Depuis quelques années, pourtant, d’immenses progrès ont été réalisés dans l’évaluation du stress oxydatif. Des bilans nutritionnels et anti-radicalaires, composés de bio-marqueurs complexes réservés à quelques laboratoires de biologie de pointe, permettent de diagnostiquer un stress oxydatif délétère chez tous les patients à risque. Fort de ces analyses, une prise en charge rationnelle, efficace et personnalisée de ces états d’oxydation pathologique de tout un chacun est désormais possible.
Cette approche, dont les analyses sont remboursées par les assurances de base si elles sont prescrites par un médecin, est pleine de promesses. Elle ouvre une nouvelle voie dans la prise en charge des maladies, notamment chroniques, à risques élevés. Elle prend aussi une signification particulière dans toute stratégie de prévention lorsque l’on connaît les résultats d’une étude qui montre, chez l’animal, que les individus à qui l’on transmet le virus H1N1 font une grippe grave lorsqu’ils présentent un stress oxydatif élevé alors que ceux dont le taux est bas font une grippe bénigne.
Il est enfin possible de répondre aux attentes du Professeur Lucien Israel, Professeur émérite de cancérologie à l’Université de Paris XIII, membre de l ’Institut, qui écrivait il y a déjà plusieurs années :
« …il va bientôt être impossible de dresser des plans stratégiques destinés à contrôler, à stabiliser ou à faire régresser des affections chroniques sans y intégrer un traitement anti-radicalaire au long cours… ».