Je me suis soudain sentie très vulnérable

Pharmacienne, Danielle est bien placée pour connaître les facteurs de risques cardio-vasculaires. Pourtant, elle a été très surprise lorsqu’elle a appris qu’elle devait se faire opérer en urgence pour cause d’artère bouchée.
Propos recueillis par Patricia Bernheim
En 2006, lors d’une consultation chez un ostéopathe, Danielle ressent une douleur dans le dos. Pendant les jours qui suivent, la douleur part et revient. Elle n’est pas
violente, s’atténue grâce à de l’aspirine, mais elle paraît assez suspecte à Danielle pour qu’elle consulte son médecin généraliste. Il lui fait passer une série d’examens dont les résultats sont globalement bons et l’envoie chez un cardiologue pour en avoir le cœur net. Celui-ci procède à une coronographie (examen des artères à l’aide d’une petite caméra) qui révèle que l’une de ses coronaires est bouchée à 95%. Un état qui exige une angioplastie coronaire immédiate avec la mise en place d’un stent (une petite prothèse métallique en forme de ressort qui se déploie dans la coronaire pour éviter une récidive). L’intervention se déroulant sous anesthésie locale, elle peut la suivre de bout en bout via un écran.
« En entendant le diagnostic, j’ai vraiment été très surprise. Je ne m’y attendais pas puisque tous les résultats de mes analyses étaient bons. Dans un deuxième temps, ce diagnostic m’a porté un coup au moral. Je me suis subitement sentie très vulnérable. J’étais gravement atteinte dans ma santé, mais je ne m’en étais pas rendue compte ».
« Avec mon médecin, on a longuement discuté des causes possibles de cet accident vasculaire. La seule explication qu’on ait trouvée, c’est le stress. Entre 1990 et 2004, j’ai dû faire face à une série d’événements très stressants qui se sont accumulés. Pendant toutes ces années, j’ai beaucoup pris sur moi, mais je n’ai pas pris soin de moi. Je travaillais à 100%, je m’occupais de ma famille et je réglais les problèmes. Je me nourrissais mal, souvent de plats pré-cuisinés vite avalés, je n’avais aucune activité physique. Certains proches m’ont dit qu’ils trouvaient étonnant que je ne craque pas avec tout ce qui m’arrivait. Je me sentais costaude sur le plan moral, mais le coup de bambou est arrivé deux ans après la fin de cette période de stress ».
Modifier sa vie
Rapidement sur pied, Danielle reprend le travail quatre jours seulement après l’intervention. Rien ne le laisse paraître, mais quelque chose a pourtant profondément changé en elle. « Depuis l’intervention, je ne me considère plus comme quelqu’un en parfaite santé. Je ne peux plus aller skier par grand froid parce que le corps réagit autrement. Je ne peux plus donner mon sang, je ne peux plus piquer un sprint pour attraper le bus et je me sens oppressée dès que je suis en altitude, pour ne citer que quelques exemples ».
« Les six premiers mois après l’intervention, j’ai été très angoissée. Je me suis rendue plusieurs fois aux urgences parce que la douleur dorsale réapparaissait et qu’elle avait été le seul symptôme que j’avais perçu. Par chance, cela n’avait aucun lien ».
Pour éviter une récidive, elle a modifié certains aspects de sa vie. « J’ai commencé par bannir les plats pré-cuisinés et je me suis mise à faire du sport. Dès que j’ai pu, j’ai réduit mon temps de travail à 80%. J’essaie de gérer le stress autrement. Mais ce n’est pas facile de conserver une bonne hygiène de vie sur le long terme. Mon point faible, c’est l’activité physique. Je n’ai pas tenu longtemps parce que j’ai de la peine à dégager du temps pour ça. Pourtant, je sais que je dois m’y remettre… ».
Faire attention à soi
Aujourd’hui, sept ans après l’intervention, Danielle prend tous les jours, et à vie, une aspirine. « Je ne ressens plus cette peur que j’avais durant les premiers mois. Je mène une vie plus sereine, j’ai donc l’impression de risquer beaucoup moins de faire une attaque cardiaque ou cérébrale, mais je suis vigilante. J’ai appris à me protéger et à me donner des outils pour y parvenir. Depuis que j’ai pris conscience de l’impact du stress sur l’état de santé général, j’essaie de prendre les choses avec plus de recul. Un accident comme celui-ci oblige à modifier ses habitudes de vie. Il faut faire plus attention à soi pour ne pas en arriver là ».
Cette expérience a aussi changé sa manière d’aborder son métier de pharmacienne. « Je me sens plus concernée et plus impliquée face à des clients qui évoquent leur stress. Mon discours aussi a changé, parce que je peux raconter ce qui m’est arrivé et donc les inciter en connaissance de cause à prendre soin d’eux avant d’avoir un bout de ressort dans le corps. Il y a aujourd’hui une possibilité, qui n’existait pas en 2006, de savoir où on en est. L’Audit santé est un outil de contrôle qui indique si on est dans une zone à risques. Si j’avais eu cet outil-là à l’époque, j’aurais considéré le stress que je vivais avec un autre regard et j’aurais pu prendre des mesures préventives. Depuis qu’il existe, je l’ai fait, bien sûr, et je le ferai certainement régulièrement ».