L'abus de sucre et ses dangers
La consommation de sucre est en constante augmentation depuis le début du 19ème siècle. Avec 58.6 kg par an et par habitant, la Suisse se place au 4ème rang des plus gros consommateurs de sucre des pays de l’OCDE. Mais ce goût prononcé pour le sucre a des répercussions sur notre santé.
Par Jean-Charles Bastard, pharmacien
La recherche médicale a mis en évidence que les glucides ne sont pas identiques et qu’ils sont capables de générer des mécanismes très différents au sein de notre organisme. Jenkins et Wolever ont été les premiers à s’intéresser réellement à ce qui se passe dans notre corps lorsque l’on mange des glucides aussi différents que du pain, du riz ou des légumes secs.
Les résultats de leur recherche sont très surprenants. Contrairement à ce qui était communément admis, l’ingestion de pain blanc est accompagnée d’une montée phénoménale de la glycémie (sucre sanguin), presque équivalente à celle du glucose pur. La croyance selon laquelle le pain blanc est un « sucre lent » vole ainsi en éclats en 1981!
Afin de pouvoir comparer les différents aliments renfermant des glucides, une équipe de chercheurs de Toronto dirigée par le docteur Jenkins*, a publié une échelle, l’Index Glycémique, qui permet de déterminer l’effet des aliments contenant des glucides sur la glycémie (taux de sucre dans le sang) et la vitesse à laquelle le glucose des aliments passe dans le sang.
L’index glycémique est un très bon indicateur du pic glycémique qui suit l’ingestion des carbohydrates (sucres). Les aliments à index glycémique élevé tels que le pain blanc vont générer un pic de glycémie suivi d’un pic d’insuline beaucoup plus important que les aliments à index glycémique modéré ou faible tels que les spaghetti (figure). Or, cette augmentation de la glycémie et de l’insuline va générer des réactions biochimiques délétères pour notre santé sur le long terme.
Aujourd’hui, des milliers de publications internationales démontrent qu’il est indispensable de prendre en compte l’index glycémique de nos aliments afin de nous protéger non seulement contre le diabète, mais aussi contre les maladies cardiovasculaires et, de façon plus inattendue, contre le cancer.
Cancer
Lors de la conférence « Anti-cancer » donnée le 6 mai 2008 à Genève, le Dr David Servan-Schreiber a longuement insisté sur le fait que « tout laisse à penser que le boom du sucre contribue à l’épidémie de cancer via l’exposition du taux d’insuline et d’« insulin growth factor-1 » dans nos organismes ».
Ces propos sont confirmés par une méta-analyse italienne publiée en juin dernier*, portant sur la relation entre l’index glycémique des aliments et le risque de développer un cancer. Le résultat est sans appel : une forte consommation d’aliments à index glycémique élevé augmente le risque de cancer colorectal de 26% et celui de l’endomètre de 36%.
Les aliments qui génèrent des pics de la glycémie et d’insuline sont « une sorte d’engrais pour le développement des cellules ». La raison : la sécrétion d’insuline qui suit le passage du glucose dans le sang est accompagnée de l’augmentation d’un facteur de croissance appelé «Insulin Growth Factor-1 » ou IGF-1, lui-même identifié comme responsable de l’augmentation du risque de cancer*. Ainsi, la prestigieuse revue médicale britannique « The Lancet » a démontré qu’un taux sanguin élevé d’IGF-1 est corrélé à un risque accru de cancer de la prostate (+49%) et du sein (+66%).
L’IGF-1 semble augmenter le risque de cancer car il s’oppose au mécanisme même de défense contre le cancer, l’apoptose, dont le rôle est d’éliminer les cellules potentiellement cancéreuses de notre organisme. Celles-ci peuvent alors se développer et donner naissance à un cancer*.
Pour évaluer le risque de cancer lié à notre consommation de sucre, il suffit de mesurer le taux d’hémoglobine glyquée (Hb1Ac), un très bon indicateur de la fréquence des pics d’hyperglycémie survenus dans les 6 à 8 semaines précédant le dosage. Un taux inférieur à 5% est associé à un risque de cancer très faible, tandis qu’une hémoglobine glyquée supérieure ou égale à 7% augmente le risque de cancer colorectal de 36% chez la femme et le multiplie par 5 chez les hommes*.
Que faire en pratique
Pour éviter que notre penchant pour les douceurs ne fasse le lit d’un cancer ou d’une maladie chronique, on peut par exemple privilégier les aliments à index glycémique modéré ou faible ce qui réduira le risque de pic de glycémie et d’insuline. On peut aussi apprendre à associer les aliments à index glycémique élevé à d’autres aliments comme nous l’expliquons dans les pages suivantes.
Les glycémies éducatives
Une façon simple de savoir si nous sommes victimes d’un pic de glucose après un repas consiste à mesurer la glycémie après l’ingestion du repas à l’aide d’un glucomètre.
Dans le cadre du Plan Santé Perso®, la Pharmacie Principale propose aux personnes non-diabétiques un programme de « glycémie éducative » afin d’apprendre à contrôler leur glycémie.
*Références bibliographiques sur demande.