Gros plan sur la micronutrition
La micronutrition vise à répondre de la manière la plus adéquate possible aux besoins de notre corps, en se concentrant sur les apports en micronutriments. Le point avec les docteurs Marianne Klein et Gérald Langel, spécialistes en micronutrition.
Par Patricia Bernheim
Pour un fonctionnement optimal, notre organisme a besoin de très nombreux micronutriments, ces molécules que notre organisme ne sait pas fabriquer ou dont la fabrication est insuffisante. Certains nous sont familiers, comme les minéraux (calcium, phosphore, magnésium et autres), les oligo-éléments (fer, zinc, cuivre, sélénium, iode) ou les vitamines. D’autres moins, comme les acides gras polyinsaturés, les acides aminés ou encore les polyphénols, les caroténoïdes ou les phytostérols.
Les causes des carences en micronutriments viennent pour l’essentiel de notre style de vie et de notre alimentation. Les méthodes de culture, de conservation ou de préparation sont aussi à l’origine d’un appauvrissement de notre alimentation en micronutriments. Des facteurs géographiques entrent aussi en ligne de compte.
Ainsi, en Suisse, les méfaits de la carence en iode ont amené les autorités sanitaires à supplémenter certains de nos aliments en iode, comme le sel de cuisine.
Issue de nombreuses recherches scientifiques ayant mis en évidence la relation entre déficit micronutritionnel, santé et prévention, la micronutrition consiste à tenter de satisfaire les apports en micronutriments grâce à une alimentation diversifiée et adaptée, avec ou sans l’aide d’une «supplémentation» individualisée.
Des compléments personnalisés
Pour repérer d’éventuelles carences, le micronutritionniste réalise avec chaque patient un bilan personnel, au moyen de questionnaires précis sur son alimentation et ses problèmes (fatigue, hypertension, troubles digestifs ou du sommeil, problèmes articulaires ou autres) et effectue parfois des bilans sanguins.
L’étude des habitudes alimentaires permet de repérer les erreurs qui peuvent être néfastes au tonus, au bien-être ou à la santé. Le micronutritionniste est ainsi à même de proposer des conseils nutritionnels pour rééquilibrer l’alimentation et de prescrire une «supplémentation» adéquate et personnalisée, puisque nous n’avons pas tous les mêmes besoins.
Il est particulièrement attentif avec les patients appartenant à un groupe à risque: les enfants, les adolescents, les femmes enceintes ou qui allaitent, les sportifs et les personnes âgées.
D’importantes études, comme Suvimax, ont en effet montré que, en France, deux tiers des femmes en âge de procréer n’ont pas les apports nutritionnels conseillés en fer et que les personnes âgées en institution ont des apports insuffisants en calcium et en vitamine D, ce qui favorise les fractures du col du fémur, donc une perte d’autonomie.
Préventive, cette nouvelle discipline vise donc à combattre nos petits maux chroniques tels que le stress, le surpoids, les rhumes à répétition, mais aussi les problèmes de fatigue, de lassitude ou d’irritation. En fortifiant nos défenses, elle optimise nos chances de vivre mieux, c’est-
à-dire au maximum de notre potentiel physique et mental, plus longtemps.
Le régime crétois
Il existe une manière de manger qui permet de concilier forme, bien-être et santé. Ainsi, le régime crétois semble actuellement le mode alimentaire le mieux adapté pour améliorer ou maintenir un bon état de santé. Il a également comme avantage de ne pas être trop restrictif et de pouvoir être modulé en fonction des goûts de chacun.
Il préconise une alimentation pauvre en
- produits laitiers entiers (beurre, crème),
- viande (bœuf, agneau, porc),
- pâtisseries,
- huiles raffinées et fritures,
- sucre blanc, boissons sucrées, sodas et glaces.
En revanche, il recommande:
- les laits fermentés sans matière grasse, les fromages frais de chèvre et de brebis,
- les céréales (pain complet au levain), les légumes secs, les légumes verts, les fruits,
- les volailles,
- le poisson, de préférence des mers froides, y compris cru,
- les herbes aromatiques riches en micronutriments (ciboulette, basilic, estragon),
- les épices et aromates (ail, oignon),
- les huiles d’olive et de colza biologiques de première pression à froid,
- un verre de vin par repas.
Cinq questions aux docteurs Klein et Langel
A qui s’adresse la micronutrition?
A tout le monde, du nouveau-né à la personne âgée. Sa finalité est en revanche souvent différente. Elle peut être préventive afin de conserver son capital santé et se sentir en forme. Les sportifs, eux, cherchent à améliorer leurs performances dans le respect de leur métabolisme, ce qui, bien entendu, est à l’opposé du dopage.
En tant que médecins, nous voyons principalement des patients, donc des personnes malades. Il est important de préciser que la micronutrition est compatible avec tous les autres traitements, tels que l’allopathie, la phytothérapie ou l’homéopathie. La micronutrition va optimiser les résultats en améliorant les divers métabolismes et permettra souvent une diminution des dosages des médicaments allopathiques.
Est-il nécessaire de faire des analyses pour réaliser un bilan micronutritionnel?
Les analyses ne sont pas une obligation, sauf dans les cas compliqués. Par exemple, les personnes qui ont fait de nombreux régimes restrictifs sont souvent carencées en acides gras polyinsaturés, ce qui va freiner toute perte de poids et aura également un effet négatif sur leur santé.
Dans ce cas, un bilan des acides gras fera gagner beaucoup de temps et permettra une «supplémentation» d’huiles adaptées aux carences. Sinon, dans la majorité des cas, l’utilisation des différents questionnaires qui ont été mis au point est suffisante et apporte d’excellents résultats.
Faut-il impérativement avoir recours à un spécialiste?
La micronutrition est facilement abordable pour ceux qui s’intéressent à l’alimentation ou à la nutrition. Ils peuvent commencer par prendre des probiotiques, pour améliorer leur flore intestinale et leur transit, des acides gras polyinsaturés et des multivitamines sur des périodes de deux à trois mois. Mais, sur le long terme, ou dans les cas plus compliqués, l’aide d’un thérapeute est indispensable.
Il faut savoir, par exemple, que la prise d’antioxydants ne doit pas être continuelle, que leur qualité est importante, de même que leur dosage: de trop grandes quantités d’antioxydants peuvent avoir des effets inverses à ceux recherchés. Il est donc important de ne pas jouer à l’apprenti sorcier et de se faire aider par un médecin ou une personne avertie.
Combien de temps durent les cures de «complémentation»?
Plusieurs phénomènes peuvent être à l’origine des carences: un déséquilibre de l’alimentation, des troubles de l’absorption et aussi notre état physiologique. Une personne en état de stress constant consommera beaucoup plus d’antioxydants, surtout si elle fume, prend la pilule ou d’autres médicaments. La durée de la «complémentation» est à adapter en fonction de chaque cas.
Toutes les cures de micronutriments se valent-elles?
Pour obtenir les meilleurs résultats possibles, l’important est de prendre des compléments extraits de produits naturels, avec leur matrice ou le totum du produit, c’est-à-dire accompagnés des substances avec lesquelles ils se trouvent dans la nature (polyphénols, flavonoïdes) et qui agiront en synergie. Cela n’est malheureusement pas possible pour tous les éléments.
La forme sous laquelle le supplément se trouve va également influencer sa biodisponibilité: les minéraux avec lesquels nous travaillons sont amino-complexés, ce qui signifie que le minéral est entouré d’acides aminés, ce qui supprime le phénomène de compétition, au moment de l’absorption intestinale, entre différents minéraux comme le zinc et le cuivre, ou le magnésium et le calcium. Ils pourront ainsi être associés dans une même préparation.