Stress oxydatif et peau

Une belle journée est avant tout une journée ensoleillée et le baromètre de notre humeur est rythmé par les caprices de l’astre solaire. Cette information météorologique essentielle n’appartient pas simplement au folklore universel, elle est aussi une réalité scientifique…
Par le Dr Michel Brack, spécialiste du stress oxydatif
Le soleil sur notre peau stimule des molécules proches des endorphines, les molécules du plaisir et du bien-être. Rien d’étonnant à ce que l’absence de soleil soit synonyme de tristesse, de coups de blues, voire de dépression. Cette appétence soudaine à la sortie de l’hiver pour le moindre rayon solaire serait donc dictée par des besoins physiologiques vitaux.
L’argumentation ne s’arrête pas là. Le soleil est aussi indispensable à une autre fonction vitale : la synthèse de la vitamine D. Chacun se souvient de l’importance de la vitamine D pour la croissance et pour se constituer dès la plus jeune enfance un capital osseux optimal, celui qui, plus tard, protégera de l’ostéoporose et des fractures osseuses.
Depuis quelques années, des travaux scientifiques nouveaux mettent en lumière bien d’autres propriétés pour cette vitamine que l’on croyait à tort la vitamine de l’os et du calcium. Il n’est pas un mois sans qu’une nouvelle publication découvre des propriétés de plus en plus larges de la vitamine D, comme son implication dans la protection cardiovasculaire, la survenue des cancers et même son implication dans la maladie de Parkinson.
Les adeptes du sea, sex and sun auraient-ils raison ? N’en déplaise, hélas, aux accros du bronzage intégral, la mer, le sexe et le soleil ont leurs dangers et, si leur pratique n’impose pas toujours la modération, elle conduit pour les trois à se protéger ! Il en est ainsi de nombreux plaisirs sur cette terre, ils doivent être consommés avec modération. Cette constatation est particulièrement vraie pour l’exposition solaire.
Il est classique de préconiser des expositions courtes, progressives, aux heures les moins chaudes et de se couvrir de vêtements protecteurs et de crèmes solaires. Ces conseils sont largement repris à chaque période estivale, et particulièrement adressés aux plus jeunes enfants trop souvent exposés à moitié ou entièrement nus sur le sable des plages.
Il est moins connu, en revanche, que nous disposons d’un capital soleil fixé dès la naissance, très différent pour chacun d’entre nous. Ce capital est la dose maximale de soleil que nous pouvons accumuler tout au long de notre vie. Au-delà, le risque de cancers de la peau augmente de façon très importante et, au minimum, la peau subit une accélération irréversible du vieillissement. On comprend aisément l’intérêt d’une consommation parcimonieuse de soleil, surtout durant les premières années de la vie.
Toxicité des rayons solaires Le rayonnement solaire est composé de photons, particules hautement énergétiques dont l’étymologie grecque signifie « lumière ». Ces photons interagissent avec les molécules constituantes de la peau, soit en haussant leur niveau énergétique, soit en leur arrachant un électron, les transformant ainsi en redoutables radicaux libres.
Les premières réactions cutanées à ce bombardement énergétique se manifestent par une augmentation considérable de chaleur allant jusqu’à la brûlure, le classique coup de soleil. Mais, à terme, toutes les structures de la peau sont touchées : altération du film protecteur hydrolipidique, déstructuration du collagène et de l’élastine, morts cellulaires et mutations de l’ADN, responsable des cancers cutanés dont le redoutable mélanome.
Le mélanocyte, bouclier « photonique » Si la vie a pu se développer sur la Terre, cela tient en partie à sa promiscuité idéale avec son étoile : le soleil. Le soleil est donc notre ami, mais un ami qui peut, par excès de zèle, se retourner contre nous et menacer gravement notre santé.
Là encore, la nature a tout prévu ! Elle a disposé sur la surface de notre peau de multiples petits filtres qui absorbent les photons des rayons ultraviolets du soleil, dispersent leur énergie sous forme de chaleur et captent les redoutables radicaux libres formés par leur réaction. Ce filtre magique est la mélanine, un pigment sécrété par une cellule spécifique : le mélanocyte.
Sous l’effet du soleil, le mélanocyte est stimulé et sécrète la mélanine qui pigmente la peau. Là est tout le secret du bronzage, à la fois protecteur, mais également signe d’alerte d’une agression qu’il faut savoir maîtriser.
Ces mélanocytes sont des cellules dites chromatophores. Chez certains mammifères, elles sont encore plus performantes : elles peuvent faire varier les pigments ou leur orientation dans l’espace, le prisme se déforme et absorbe à la demande des longueurs d’onde différentes de la lumière solaire. C’est ainsi que le caméléon change à volonté de couleur… Nos chromatophores sont plus fragiles. Seule une exposition prudente peut garantir leur bon fonctionnement et le maintien en bonne santé de cet organe si exposé : la peau.
L’organe du paraître Nos repères sociaux ont changé. Au XIXe siècle, avoir la peau blanche était signe de richesse et de hauteur sociale. Les ouvriers et paysans travaillant dans les champs étaient basanés… De nos jours, un teint bronzé est synonyme d’aisance financière et de loisirs sous les tropiques ou aux sports d’hiver…
Ne limitons pas notre peau à ce rôle narcissique ! Elle est un organe à part entière. On lui accorde depuis peu ses propres défaillances, au même titre que celles du rein, du foie ou du cœur. Des syndromes nouveaux émergent, comme la dermatoporose*, pour expliquer l’insuffisance cutanée liée au vieillissement. Or, ce syndrome d’insuffisance cutanée chronique associé à l’âge résulterait en grande partie de la dose cumulée de rayonnement solaire.
*Revue Médicale Suisse N° 155, 30.04.08. G. Kaya